ROME (Reuters) - Le gouvernement italien s'achemine vers l'activation de pouvoirs spéciaux ("golden power") lui permettant d'intervenir dans des secteurs jugés stratégiques, a déclaré samedi Carlo Calenda, ministre de l'Industrie alors que Rome s'inquiète de l'influence de Vivendi (PA:VIV) au sein de Telecom Italia (MI:TLIT).
Le géant français des médias piloté par le milliardaire Vincent Bolloré est entré en 2015 au capital de l'opérateur historique italien dont il est désormais le premier actionnaire avec près de 24%.
L'influence croissante du groupe français en Italie est scrutée par les autorités politiques et réglementaires du pays depuis que le groupe de médias s'est imposé comme le deuxième actionnaire du diffuseur Mediaset, derrière la famille Berlusconi.
Le gouvernement italien cherche à savoir si Vivendi a contrevenu à une obligation de notifier un éventuel contrôle effectif de Telecom Italia, considéré comme une entreprise nationale stratégique.
S'il aboutit à la conclusion que Vivendi exerce un contrôle de fait sur Telecom Italia (TIM), il pourrait considérer que les préconditions sont réunies pour lui permettre d'exercer ces pouvoirs spéciaux.
Ceux-ci l'autoriseraient à imposer une amende, à poser des conditions à Vivendi, voire à opposer son veto à des décisions qu'il percevrait comme une menace contre les intérêts nationaux.
"Nous entrons dans une période où les relations économiques internationales vont se durcir. De ce fait, l'Italie doit être en mesure de se montrer ferme quand il le faut pour défendre ses propres actifs", a déclaré Carlo Calenda lors d'une conférence.
"Ceci sera le cas quand finalement, pour la première fois, nous exercerons notre "golden power", a-t-il ajouté, sans mentionner le nom de Vivendi.
LE POIDS DU DIFFÉREND STX
Le groupe français a fait un geste d'apaisement envers les autorités italiennes en notifiant vendredi sa participation dans Telecom Italia, en application d'un décret sur les investissements étrangers dans des entreprises stratégiques italiennes bien qu'il en conteste l'application, a-t-on appris de source proche du dossier.
Un décret italien datant de mars 2012 stipule que les prises de participations dans les entreprises du pays jugées stratégiques doivent être notifiées aux pouvoirs publics dans un délai de dix jours, sous peine de sanctions.
Des responsables gouvernementaux devraient se réunir le 25 septembre pour décider d'une éventuelle sanction contre Vivendi au motif que le groupe n'a pas informé les services du président du Conseil qu'il exerçait, comme l'estime la Consob, le gendarme des marchés financiers en Italie, un contrôle "de fait" Telecom Italia.
Vivendi, qui conteste cet avis de la Consob, pourrait se voir infliger une amende de 298 millions d'euros dans ce dossier, a rapporté samedi le quotidien La Repubblica. Le journal Il Sole 24 Ore rapporte pour sa part dimanche que les discussions se poursuivent en coulisses.
Le différend au sujet de Telecom Italia intervient dans un contexte de tensions plus large entre Rome et Paris au sujet du secteur industriel, créé par la décision française d'empêcher les chantiers navals italien Fincantieri de prendre le contrôle STX France.
La France et l'Italie se sont donnés jusqu'au 27 septembre, date prévue pour la tenue d'un sommet bilatéral à Lyon, pour tenter de trouver un compromis dans ce dossier.
La semaine dernière, une source a dit qu'un accord sur STX permettrait d'alléger les pressions sur Vivendi concernant ses participations dans Telecom Italia et Mediaset.
(Crispian Balmer, Gwenaëlle Barzic et Benoit Van Overstraeten pour le service français)