Le dérapage budgétaire en Espagne est "grave" et la décision de Madrid de s'affranchir des règles européennes pour réduire son déficit public risque de lui coûter cher, ont averti lundi plusieurs responsables européens.
Le dérapage est "sérieux, grave", a souligné au cours d'un point de presse Amadeu Altafaj, porte-parole du commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn.
Prenant ses partenaires européens de court, le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a annoncé vendredi, à l'issue d'un sommet européen, que le déficit public espagnol serait de 5,8% cette année, et non de 4,4% comme prévu dans son programme pour parvenir au maximum autorisé de 3% par l'UE en 2013.
M. Rajoy n'avait informé personne de son intention et avait signé comme si de rien n'était avec 24 de ses homologues un Pacte renforçant la discipline budgétaire dans la zone euro.
"Je n'ai pas informé les présidents et les chefs de gouvernement parce que je n'ai pas à le faire. Il s'agit d'une décision souveraine que nous Espagnols, nous prenons", a-t-il soutenu au cours de sa conférence de presse.
Ces déclarations n'ont "pas été bien prises" à Bruxelles, a souligné lundi une source proche du dossier. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et Olli Rehn "sont pour l'instant dans l'état d'esprit où on ne négocie rien et où on ouvre une procédure" de sanctions pour déficit excessif, selon une source européenne proche du dossier.
"Jusqu'à novembre dernier, on nous disait que l'Espagne allait être un peu au-delà de l'objectif" de déficit de 6% en 2011. Le 30 décembre 2011, on nous a communiqué qu'il pourrait être de 2 points, et il y a quelques jours, il est passé à 2 points et demi, ce qui est quand même une déviation majeure", a souligné Amadeu Altafaj. Selon le gouvernement espagnol, le déficit de l'Espagne a atteint 8,51% en 2011.
"Nous avons besoin de chiffres solides, validés, pour faire une évaluation complète", a insisté le porte-parole. "Nous avons besoin de "savoir quelles sont l'origine et la nature" de ce dérapage et "quelles sont les mesures à envisager dans le cadre du budget 2012".
"Une fois que nous aurons la clarté sur les chiffres, sur le budget 2012, la Commission fera son analyse, la présentera, et, si besoin, fera ses recommandations au Conseil dans le cadre de l'article 126" du traité européen, qui prévoit d'infliger des sanctions aux Etats dans le cadre de la procédure de déficit excessif, a-t-il détaillé.
Or, selon la source proche du dossier, des Etats comme les Pays-Bas ou la Belgique, contraints de faire des efforts budgétaires considérables pour rentrer dans les clous du Pacte de stabilité, risquent de voir d'un mauvais oeil un pays comme l'Espagne bénéficier d'une indulgence à laquelle eux n'ont pas eu droit.
Les sanctions envisagées pourraient aller de 0,2% à 0,5% du PIB espagnol, soit au minimum 2 milliards d'euros, ce qui "représente beaucoup d'argent pour l'Espagne", souligne la source proche du dossier.
"Je n'ai aucun doute sur le fait que le gouvernement espagnol va honorer son engagement concernant le pacte de stabilité et de croissance", a déclaré lundi M. Barroso lors d'une conférence de presse à Vienne, tout en refusant de commenter l'annonce d'un déficit public à 5,8% cette année.
Une source diplomatique souligne toutefois qu'il semble impossible de demander à Madrid de revenir à 4,4% de déficit cette année après un déficit public qui a explosé à 8,51% l'an dernier.
La conjoncture ne se prête guère à un effort d'une telle ampleur: le gouvernement espagnol prévoit un recul du PIB de 1,7% en 2012 et un taux de chômage à 24,3%, le plus élevé de l'UE.
En attendant la présentation du budget espagnol 2012 vers fin mars, les ministres des Finances de la zone euro devraient commencer à en étudier de premiers éléments chiffrés lors d'une réunion de l'Eurogroupe lundi 12 mars à Bruxelles, selon la source proche du dossier.