L'Espagne a annoncé vendredi de nouvelles prévisions économiques très sombres, avec une poursuite de la récession en 2013 et un chômage pire que prévu cette année, alors que le pays fait face à la panique des marchés et à une grogne sociale sans précédent.
Excédés par une crise dont ils ne voient pas la fin, des centaines de milliers d'Espagnols étaient descendus jeudi dans les rues, signe d'une indignation populaire qui s'accroît face à un gouvernement qui n'a plus aucune marge de manoeuvre pour redresser l'économie du pays.
Le plan d'aide aux banques, finalement bouclé vendredi par la zone euro, et qui pourra atteindre cent milliards d'euros, ne semble plus en mesure de rassurer des marchés de plus en plus inquiets de la dégradation de la santé financière de l'Espagne.
L'autre mauvaise nouvelle du jour est venue de Valence, dans l'est du pays, l'une de ces régions autonomes qui constituent un autre point faible de l'économie espagnole.
Valence, symbole des excès de la bulle immobilière qui a porté la croissance du pays jusqu'en 2008, a demandé l'aide de l'Etat, souffrant d'un manque de liquidités.
"La région de Valence, comme d'autres régions, souffre des conséquences des restrictions de liquidité sur les marchés en raison de la crise économique actuelle", a admis le gouvernement régional, en lançant un appel à l'aide publique via le fonds d'aide aux régions créé la semaine dernière par Madrid.
La Bourse de Madrid a accueilli la nouvelle en plongeant de plus de 5%. Le taux d'emprunt à 10 ans de l'Espagne a lui continué à se tendre, à 7,19%, se rapprochant de son plus haut historique.
Les nouvelles prévisions économiques n'étaient pas faites non plus pour rassurer.
Même si la récession devrait être légèrement inférieure aux attentes en 2012, avec un recul du PIB de 1,5% eu lieu de 1,7% attendu, l'économie espagnole devrait rester dans le rouge en 2013, avec un recul de 0,5%, alors que le gouvernement prévoyait une croissance de 0,2%, a annoncé le ministre du Budget, Cristobal Montoro.
L'Espagne ne devrait donc renouer avec la croissance qu'en 2014, avec une économie en progression de 1,2%.
Sur le terrain de l'emploi, les perspectives ne sont guère plus encourageantes: le chômage devrait atteindre 24,6% cette année, pire que les 24,3% attendus.
Il faudra attendre 2013 pour voir ce chiffre baisser, à 24,3%, a précisé le ministère du Budget.
A la fin du premier trimestre 2012, le chômage se situait à 24,44% des actifs, selon l'Institut national de la statistique, un record parmi les pays industrialisés. Le chiffre est particulièrement élevé chez les jeunes, dont 52% sont au chômage.
Dans ce contexte, le gouvernement de droite est engagé dans un difficile exercice de réduction de son déficit public, et a obtenu de Bruxelles un assouplissement de son objectif: il lui faudra ramener ce déficit à 6,3% du PIB cette année, 4,5% en 2013 et 2,8% en 2014.
Pour y parvenir, Madrid a dû adopter un plan destiné à économiser 65 milliards d'euros jusqu'en 2014, associant nouvelles recettes et coupes budgétaires, qui a déclenché un vent de contestation d'une ampleur sans précédent depuis le début de la crise en 2008.
Les syndicats brandissent la menace d'une grève générale, qu'ils jugent "inévitable" si le gouvernement ne revient pas sur son dispositif.
En première ligne du plan d'économies annoncé le 11 juillet, la fonction publique et une mesure qui a déclenché la vindicte: la suppression cette année de la prime de Noël, équivalant à abaisser les salaires de 7%.
Un pas de trop pour les fonctionnaires espagnols, qui ont déjà vu leur salaire réduit de 5% en 2010, puis gelé.
Les chômeurs eux aussi seront frappés, avec une réduction des indemnités. Mais c'est au final tout le pays qui va devoir payer, avec une hausse de la TVA.
Vendredi, des groupes de fonctionnaires sont une nouvelle fois descendus dans les rues de Madrid, promettant qu'ils ne désarmeront pas.
"Ils nous prennent jusqu'au dernier centime. Nous allons rester dans la rue. Nous n'avons pas le choix", promettait Elisa Perez, 41 ans, employée à la mairie de Madrid.