La détresse exprimée par de nombreux paysans au Sommet de l'élevage en Auvergne est le reflet d'une précarité croissante dans le monde agricole où les petites exploitations vivotent souvent grâce au RSA ou au travail d'un conjoint à l'extérieur.
"Quand on n'arrive pas à vivre de son travail, ça finit par être usant", témoigne Hervé, éleveur de l'Aveyron rencontré cette semaine au troisième plus grand salon agricole de France, après Paris et Rennes.
Comme lui, Hubert Roche et son fils Eric, associés en Haute-Loire depuis 2004, pointent du doigt une stagnation du prix du lait malgré la hausse des charges.
"On a doublé notre troupeau et je gagne 100 euros de plus qu'il y a six ans, c'est-à-dire à peine un Smic. Ma femme, qui travaille 29 heures par semaine à l'extérieur, gagne plus que moi", témoigne Eric Roche. Sa commune, où s'activaient huit agriculteurs dans les années 1990, n'en compte plus que deux.
"Mon épouse travaille à côté, ça nous permet de vivoter", dit en écho Frédéric Duchassin, jeune éleveur en Saône-et-Loire, qui a repris en 2002 l'exploitation de ses grands-parents.
La MSA (Mutuelle sociale agricole) a recensé en juillet de cette année au niveau national 33.800 bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA) parmi les agriculteurs, indépendants ou salariés. Ces chiffres sont révélateurs de "situations de précarité où l'activité agricole ne permet pas d'avoir des revenus suffisants", souligne la mutuelle.
Cette précarité est encore plus flagrante dans les régions qui comptent de nombreux petites exploitations indépendantes, comme l'Auvergne qui compte 1.253 bénéficiaires du RSA selon ce même décompte.
Les bénéficiaires du RSA en Auvergne sont ainsi à 75% des exploitants indépendants en situation de précarité. Ceux-ci ne sont que 30% au niveau national, où l'on retrouve plutôt parmi les bénéficiaires du RSA des salariés agricoles.
Pour Laurence Damatte, animatrice de l'association Solidarité Paysans de Lempdes, dans le Puy-de-Dôme, "c'est un cercle vicieux: avec les difficultés économiques, l'isolement, parfois les problèmes de santé, les agriculteurs se fragilisent".
"Dans la majorité, ils ont déjà des relations conflictuelles avec les banques, et certains se tournent vers des crédits à la consommation à des taux à 15, 20%", poursuit-elle.
Un constat partagé par André Mercier, bénévole de l'association, lui-même ancien éleveur dans le Puy-de-Dôme: "quand on voit l'huissier sans arrêt, sa maison avec une pancarte +à vendre+, que toutes les primes partent pour la banque, même le RSA, on y arrive plus, on cherche toutes les solutions".
Au premier jour du sommet de Cournon mercredi, des membres de la Coordination rurale ont symboliquement remis 80 kilos de viande à une représentante du Secours populaire, pour attirer l'attention sur la "situation désastreuse des éleveurs qui ne peuvent plus vivre de leur métier et qui se retrouvent de plus en plus bénéficiaires des associations caritatives".
Pour l'heure, ce sont "souvent des retraités ou des veuves d'agriculteurs" car "il y a encore dans ces milieux ruraux la honte de demander", explique Chantal Thevenet, responsable du Secours catholique à Pionsat (Puy-de-Dôme).
Et de citer le cas d'un agriculteur "qui a fait la démarche d'appeler mais a tout arrêté dès qu'il a fallu faire viser son dossier par sa mairie. Tout ce que j'ai pu faire, c'est lui donner un colis d'urgence", dit-elle.