Le géant pétrolier BP entrevoyait enfin vendredi la fin de la fuite de pétrole dans le golfe du Mexique, mais c'est une entreprise différente, amoindrie, appauvrie et souillée qui émerge de la catastrophe.
Le groupe s'est dit vendredi "encouragé" par les résultats d'un test crucial mené sur le puits de pétrole dans le golfe du Mexique, qui permettra de déterminer si la fuite de brut peut rester contenue.
"Le marché y voit un peu plus clair, c'est une bonne nouvelle", affirme David Loudon, analyste chez le courtier Redmayne Bentley.
"Maintenant que BP a montré qu'il avait couvert le puits, il devrait mieux résister aux pressions politiques", juge par ailleurs Peter Hutton, analyste chez NCB Oils.
Signe que le marché anticipe la fin de la crise, le cours de l'action BP est sorti du gouffre: il a repris 40% par rapport à son plus bas du 25 juin, tout en valant encore moins des deux tiers de son prix d'avant l'explosion de la plate-forme Deepwater Horizon le 20 avril, qui a coûté la vie à 11 personnes et pollué 700 kilomètres de côtes américaines.
Pour les analystes, rien ne sera plus jamais comme avant : "le BP qui émergera de (la marée noire) sera différent de ce qu'il était avant" affirme M. Hutton.
D'abord, BP est très loin d'avoir payé la facture de la marée noire, qui pourrait lui coûter entre 30 et 40 milliards de dollars selon un consensus d'analystes et jusqu'à 70 milliards selon la banque américaine Goldman Sachs.
Les choses devraient se préciser quand les résultats de l'enquête des autorités américaines feront la lumière sur les causes de l'accident et les responsabilités respectives de BP et ses partenaires.
Pour financer les coûts liés à la catastrophe, BP devra se séparer d'actifs, à hauteur de 20 milliards de dollars selon le Financial Times vendredi, suscitant la convoitise d'acteurs étrangers et même la rumeur selon laquelle il pourrait se faire absorber.
"Le scénario d'une vente importante est bien plus réaliste que celui d'une énorme fusion", juge pourtant M. Hutton.
Dans tous les cas, la pire catastrophique écologique de l'histoire américaine a porté un coup impossible à chiffrer mais très sévère à l'image du groupe de 80.000 salariés.
"La réputation du groupe a subi des dommages irrémédiables", assène David Loudon, rappelant que BP était devenu "l'ennemi public numéro Un aux Etats-Unis".
Souillée dans l'opinion publique, l'image du BP l'a été aussi auprès des professionnels de son secteur, ce qui pourrait compliquer ses futures opérations.
Les compagnies pétrolières et sous-traitants qui se bousculaient avant la catastrophe pour voir leur nom associé à celui du géant britannique pourraient maintenant rechigner à s'engager à ses côtés, estime M. Hutton.
Quant aux options stratégiques qui devaient assurer son avenir, BP devra les revoir de fond en comble.
"Les gisements en eaux profondes du golfe du Mexique devaient être une opportunité essentielle de développement pour BP. (Ses dirigeants) étaient convaincus qu'ils pouvaient repousser les frontières de la technologie. Rien de tout cela ne s'est produit", constate M. Hutton, jugeant qu'il faudra "beaucoup de temps à BP pour retrouver sa position" dans les forages off shore.
"BP était l'une des toutes premières compagnies pétrolières au monde et ce ne sera plus le cas à l'avenir", affirme carrément M. Loudon.
Enfin, il est probable que BP devra changer de tête après cette tragédie. "Ni le directeur général (Tony Hayward) ni le président (Carl-Henric Svanberg) ne se sont couverts de gloire" dans cette crise, juge M. Loudon pour qui leur départ "est une affaire de semaines".