La compagnie aérienne américaine Delta Air Lines a annoncé lundi qu'elle allait investir un total de 250 millions de dollars pour acheter et faire fonctionner une raffinerie lui permettant de couvrir 80% de ses besoins intérieurs en kérosène.
L'initiative, qui fera de Delta la seule compagnie américaine à produire son propre carburant, était considérée avec scepticisme par certains spécialistes américains du secteur aérien, qui y voient "une énorme distraction".
Le coût d'acquisition est de 180 millions de dollars, dont 30 millions sont couverts par l'Etat de Pennsylvanie, où se trouve la raffinerie de Trainer, jusqu'à présent propriété de la société Phillips 66, issue de la scission de ConocoPhillips.
"Un investissement supplémentaire de 100 millions de dollars" permettra de "modifier l'usine pour maximiser la production de kérosène", a indiqué Delta dans un document transmis aux autorités boursières. "Cet investissement modeste, l'équivalent du prix catalogue d'un nouvel avion gros porteur, permettra à Delta de réduire sa dépense de carburant de 300 millions de dollars par an et garantira la disponibilité de kérosène dans le nord-est" du pays, a fait valoir le directeur général de Delta Richard Anderson, cité dans un communiqué.
La transaction est réalisée techniquement via une filiale à 100% de Delta, Monroe Energy, qui a conclu des accords d'approvisionnement avec BP et Phillips 66.
"L'accord, d'une durée de trois ans, prévoit que BP fournira le brut qui sera raffiné sur place. Monroe Energy échangera de l'essence et d'autres produits issus du site de Trainer pour du kérosène de Phillips 66 et de BP ailleurs dans le pays, via des accords pluriannuels", est-il expliqué.
Certains experts du secteur étaient extrêmement dubitatifs lundi soir.
"Je ne suis pas sûr que l'intégration verticale soit une bonne idée, c'est une chose qui se faisait il y a une centaine d'années avec Henry Ford", commentait l'analyste George Hamlin, président de Hamlin Transportation Consulting.
"Une compagnie aérienne est déjà compliquée à gérer", abondait Aaron Gellman, professeur à l'Université Northwestern, "si (une raffinerie) est disponible, pourquoi les autres ne font-ils pas pareil?". Pour lui, le fait que Southwest, une prospère compagnie à bas coûts basée au Texas, fief de l'industrie pétrolière, ne se soit pas risquée à produire son propre kérosène, est un avertissement fort plaidant contre cette initiative.
"Maintenant, si (Delta) parie sur la hausse du prix du pétrole, c'est une hypothèse intéressante, mais il mise beaucoup d'argent. Moi je consacrerais de l'argent à être plus intelligent dans mon programme de couverture (hedging) sur les prix du pétrole: en s'occupant du prix du pétrole comme ça, je crois qu'on a un meilleur retour sur investissement", disait-il.
A l'inverse, Geary Sikich, patron de Logical Management Systems, estimait que l'opération devrait aider Delta à réduire ses coûts - et notait que Trainer était un site de qualité, a proximité de l'aéroport de Philadelphie et d'un port, qui sera dirigé par une équipe expérimentée. "C'est une occasion pour Delta", estime M. Sikich, dans une période où "le prix du carburant est en hausse, et les capacités de raffinage (aux Etats-Unis) déclinent". En outre, avantage supplémentaire, "il y a le potentiel d'un flux de recettes", avec les autres productions de la raffinerie que Delta pourra revendre, notait M. Sikich.
La transaction devrait être bouclée avant l'été, et la production de kérosène débuter dès cet été, si bien que Delta espère économiser plus de 100 millions de dollars rien qu'en 2012.