La tempête qui agite les marchés financiers est, comme les autres phénomènes de crise, alimentée par des facteurs psychologiques qui mêlent rumeurs de marchés, comportements moutonniers et surtout volonté de préserver ses placements.
"La psychologie joue toujours dans les marchés", souligne Philippe Dessertine, professeur d'économie à Bordeaux (sud-ouest de la France).
Dans un environnement concurrentiel par excellence, l'investisseur, bombardé d'informations, doit prendre des décisions multiples et rapides, au point de s'appuyer parfois sur des rumeurs, comme celle de mercredi sur l'Espagne prête à appeler à l'aide, qui a déstabilisé la Bourse de Madrid.
Qu'il s'agisse de craintes sur la solvabilité d'un Etat ou d'une faillite imminente d'une entreprise, une information fondée ou infondée peut se répandre comme une traînée de poudre.
Il suffit alors que quelques acteurs majeurs, comme les fameux "hedge funds", les fonds spéculatifs considérés souvent comme des meneurs du marché, lui donnent crédit pour que la machine s'emballe.
Le mécanisme est simple. L'investisseur achète parce que les autres achètent, vend parce que les autres vendent, ce qui ne manque pas d'amplifier des phénomènes parfois jusqu'à la panique.
Cette mécanique fait que l'on "anticipe des difficultés, puis, ce que l'on observe valide notre anticipation, ce qui crée encore un emballement et un phénomène de spirale", explique Gunther Capelle-Blancard, professeur d'économie à Panthéon-Sorbonne.
Cette anticipation, dite auto-réalisatrice, balaye le choix rationnel de vendre ou d'acheter en fonction de critères plus rationnels comme les résultats de l'entreprise ou des statistiques financières.
"La psychologie légitime l'action", résume M. Dessertine.
L'économiste John Maynard Keynes avait théorisé ce principe en 1936 en parlant de concours de beauté. Selon ce principe, le gagnant est celui qui parvient à identifier parmi un panel de jeunes femmes quelles seront les cinq les plus citées par l'ensemble des joueurs.
Le candidat ne va pas agir selon ses convictions personnelles mais selon ce qu'il estime être le consensus, ce qui fait que tout le monde fait le même choix.
Ne pas vendre, quand tout le monde le fait, c'est prendre le risque d'être "mauvais", selon le mot de M. Dessertine.
Les investisseurs institutionnels, tels que les grands fonds de pension, ne peuvent prendre aucun risque. Jouer contre le marché les mettrait en danger financièrement et en position de faiblesse au moment de rendre des comptes à leurs clients.
Sur les marchés, et à l'heure de la mondialisation de l'information, l'adage selon lequel à choisir il vaut mieux avoir tort avec tout le monde que raison tout seul reste plus que jamais la règle.