La Commission européenne a émis des doutes lundi sur la capacité de plusieurs pays de la zone euro, à commencer par le Portugal et l'Espagne, à tenir leurs engagements de réduction de déficit, alors qu'une contagion de la crise menace toujours, malgré le plan d'aide à l'Irlande.
Dans ses dernières prévisions économiques, Bruxelles estime que le déficit public du Portugal sera ramené à 4,9% du PIB l'an prochain, après 7,3% cette année. C'est plus que les 4,6% prévus dans le projet de budget du gouvernement.
Même constat pour l'Espagne: Bruxelles attend un déficit à 6,4% du PIB l'an prochain après 9,3% cette année, quand le gouvernement espère redescendre à 6%.
Les marchés considèrent que le Portugal et l'Espagne seront probablement les prochains pays à demander une assistance financière, après la Grèce au printemps et aujourd'hui l'Irlande. Ils réclament donc des taux d'intérêt de plus en plus élevés pour leur prêter de l'argent.
Lundi, au lendemain de l'annonce d'une aide à l'Irlande de 85 milliards d'euros pourtant censée calmer les marchés, le taux des emprunts espagnols à dix ans a enregistré un nouveau record depuis 2002, à 5,330%. Les taux portugais se tendaient également, à un peu plus de 7% à la mi-journée.
"Les turbulences sur les marchés financiers sont la preuve que nous devons mettre en oeuvre avec détermination" les mesures de réduction des déficits, a estimé le commissaire aux Affaires économiques Olli Rehn.
Il a fait valoir que les programmes d'austérité décidés dans beaucoup de pays commençaient à porter leurs fruits: le déficit public de l'ensemble de la zone euro devrait baisser plus vite que prévu, à 4,6% du PIB l'an prochain contre 6,3% cette année et 6,1% encore attendus au printemps.
Olli Rehn juge malgré tout "inquiétante" la situation sur les marchés.
Elle risque en effet de peser sur la croissance de la zone euro, déjà censée ralentir à 1,5% l'an prochain après 1,7% cette année, mais que Bruxelles espère voir de nouveau accélérer à 1,8% en 2012.
Or une croissance moins forte que prévu fait automatiquement grimper le niveau de déficit.
Ainsi en Espagne, si la Commission est plus pessimiste que le gouvernement sur le déficit 2011, c'est parce qu'elle l'est aussi sur la croissance: Bruxelles prévoit une augmentation du PIB de seulement 0,7% l'an prochain, moitié moins qu'espéré par Madrid (1,3%).
Olli Rehn a malgré tout salué lundi les mesures "substantielles" déjà prises par Madrid pour réduire ses déficits, et les objectifs budgétaires "très ambitieux" de Lisbonne pour 2011.
Le numéro deux du FMI, John Lipsky, a affirmé aux journalistes à Dubaï que ces deux pays n'avaient jusqu'ici pas approché le Fonds, déjà impliqué dans l'aide à Athènes et Dublin.
Si le Portugal et l'Espagne sont dans le collimateur des marchés, ils sont loin d'être les seuls pays considérés comme des maillons faibles de la zone euro.
Les taux italiens à dix ans ont touché lundi un plus haut depuis le printemps 2009, à 4,511%. Pour ce pays également, Bruxelles est plus pessimiste que le gouvernement concernant le déficit 2011, qu'elle attend à 4,3% du PIB contre 3,9% promis par Rome.
C'est aussi le cas pour l'Irlande, dont Bruxelles évalue le déficit l'an prochain à 10,3% du PIB contre une prévision gouvernementale de 9,1%, ou pour la Belgique (4,6% contre 4,1%).
Même les grands pays ne sont pas épargnés: Bruxelles estime ainsi que la France, deuxième économie de la zone euro, devrait ramener l'an prochain son déficit à seulement 6,3% du PIB, contre 7,7% cette année, quand le Premier ministre François Fillon s'était engagé la semaine dernière à redescendre à 6%.