Neuf jours après la promesse de Paris et Berlin d'accélérer l'intégration en zone euro, Bruxelles dévoile mercredi des propositions pour relancer l'Union monétaire, menacée par les divergences économiques entre le nord et le sud.
"Ce ne sera pas une feuille de route précise, mais plutôt une base de discussion pour les Etats membres et une boîte à outils pour compléter l'Union économique et monétaire (UEM) d'ici 2025", expliquait récemment le Commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici, qui doit présenter ce rapport avec le vice-président de la Commission, Valdis Dombrovskis.
Pour l'ex-ministre français des Finances, le statu quo n'est plus possible car depuis la crise financière qui a éclaté fin 2007, l'écart s'est creusé entre les riches et les pauvres au sein des 19 pays ayant adopté la monnaie unique.
Parmi les suggestions de l'exécutif européen mercredi, la création d'une "capacité budgétaire" de la zone euro. Un terme un peu moins fort que celui de "budget", destiné notamment à ne pas brusquer les conservateurs allemands, peu ouverts à un accroissement de la solidarité dans l'immédiat, selon une source proche du dossier.
Sera également proposée à terme la fusion du rôle de Commissaire européen aux Affaires économiques (actuellement M. Moscovici) avec celui du président de l'Eurogroupe (le porte-voix des 19 Etats de l'eurozone, actuellement le Néerlandais Jeroen Dijsselbloem).
L'idée d'un budget et d'un super ministre des Finances de la zone euro est dans l'air depuis longtemps.
Elle a été également mise en avant par le nouveau président français Emmanuel Macron et a rencontré un écho très positif chez les sociaux-démocrates allemands.
En revanche, les conservateurs d'Angela Merkel sont plus nuancés: un ministre des Finances de la zone euro, pourquoi pas, à condition qu'"il puisse pouvoir imposer le respect par tous des règles budgétaires", soulignait le grand argentier allemand Wolfgang Schäuble, dans un entretien à l'hebdomadaire Der Spiegel, juste après l'élection de M. Macron.
- Réticences allemandes -
La Commission européenne compte également suggérer la création plutôt à l'horizon 2025 d'un "actif sans risque", une sorte de "dette européenne", un panier qui mêlerait de la dette française, italienne, allemande, grecque, selon une source proche du dossier.
Une idée qui risque d'inquiéter Berlin, opposé à toute idée de création d'"eurobonds" qui mutualiserait les dettes européennes.
L'exécutif européen compte aussi mercredi "suggérer des mesures pour compléter l'Union bancaire dès que possible".
Mais le projet de la Commission de garantie européenne des dépôts, présenté en novembre 2015, piétine.
L'Allemagne a manifesté à maintes reprises ses réticences quant à une mutualisation du système, craignant de voir les épargnants allemands payer pour les banques d'autres pays, moins bien gérées.
En juin 2016, l'Allemagne avait imposé que ce dossier ne soit abordé à nouveau par les ministres de la zone euro que lorsque le bilan des banques (notamment italiennes) serait apuré de leurs créances douteuses.
Il est clair que les suggestions de la Commission européenne présentées mercredi ne pourront vraiment être étudiées qu'après les élections législatives allemandes du 24 septembre.
En outre, le gouvernement d'Angela Merkel, qui s'est dit prêt à plancher sur l'intégration de la zone euro avec celui de M. Macron, attend d'abord de la France qu'elle respecte ses engagements en matière de réduction des déficits.
Selon les dernières prévisions de la Commission européenne, la France, à politique inchangée, devrait être en effet le seul pays des 19 de la zone euro en 2018 à enfreindre les règles européennes avec un déficit public supérieur à 3% du Produit intérieur Brut (PIB).
Après le départ du Royaume Uni de l'UE, la zone euro gagnera en importance au sein de l'Union et représentera 85% de son PIB total.
A terme, la monnaie unique est d'ailleurs censée devenir celle de l'Union tout entière.
Aux pays encore sceptiques, comme le Danemark, la Pologne ou la Suède, M. Moscovici promet de "faire une offre qu'ils ne pourront pas refuser".
Ce débat survient au moment même où Angela Merkel a appelé à une Europe qui prenne son "destin en main" à l'heure de Donald Trump et du Brexit.