L'Irlande a dévoilé mercredi un plan de rigueur draconien visant à diviser par dix un déficit public astronomique. Préalable à un vaste plan de sauvetage international, il est susceptible d'alimenter la colère d'une population qui a déjà subi trois budgets d'austérité.
Le gouvernement a annoncé pour 15 milliards d'euros de mesures de rigueur d'ici à 2014, ce qui représente près de 10% du Produit intérieur brut (PIB). Dix milliards proviennent d'économies budgétaires et 5 de hausses d'impôts.
Le plan, plus sévère que ce que prévoyait la presse, risque d'alimenter le mécontentement de la population, déjà furieuse de voir l'île s'abaisser à lancer un appel "humiliant" à l'aide internationale.
Les 4,3 millions d'Irlandais ont subi trois budgets d'austérité depuis le début de l'effondrement de l'ancien "tigre celtique", en 2008, avec 14,5 milliards d'euros de réductions budgétaires et de hausses de taxes à la clé.
Le nouveau plan est "une feuille de route vers l'âge de pierre et une déclaration de guerre contre les bas salaires", a déclaré Jack O'Connor, président du Siptu, un des principaux syndicats de l'île, qui promet une manifestation "massive" samedi prochain.
Les syndicats comptent sur un mouvement du type de celui qui secoue le Portugal, paralysé mercredi par une grève générale contre des réductions de salaires et hausses d'impôts.
Le plan de rigueur a en revanche été salué par la Commission européenne comme une "base solide" pour la poursuite des négociations sur l'aide internationale.
Il avait été présenté comme un préalable incontournable à l'octroi de cette aide de l'Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI), qui devrait tourner autour de 85 milliards d'euros.
Une nécessité qui ne convainc pas toujours la population. "On ne va pas se laisser intimider par le FMI", estimait ainsi Richard Boydbarris, venu manifester sous les fenêtres du bureau du gouvernement. "Taxez les riches, pas les pauvres", ont lancé une centaine de personnes.
Le nouveau plan de rigueur sabre tous azimuts: réduction de l'assurance sociale de 14% (et notamment des allocations chômage et familiales); hausse du quart des frais d'inscription à l'université; suppression de près de 8% des emplois publics (soit 25.000); réduction de 10% du salaire des nouveaux fonctionnaires, et de 6 à 12% des retraites des anciens...
Plus spectaculaire encore, le salaire horaire minimum sera abaissé de 12%, passant de 8,65 à 7,65 euros.
Du côté des revenus supplémentaires, le taux de TVA est porté graduellement de 21% à 23% en 2014. En revanche, le gouvernement maintient à 12,5% le taux d'imposition des sociétés, en dépit des pressions de pays comme la France ou l'Allemagne qui souhaitaient son relèvement.
"Il ne s'agit pas seulement de coupes et de hausses d'impôts mais également d'améliorer notre économie", a assuré le Premier ministre Brian Cowen, promettant "croissance et emplois".
L'objectif est de ramener le déficit public à 3% du PIB, comme l'exige l'UE. Ce dernier s'est envolé à 32% du PIB cette année, en raison des quelque 50 milliards d'euros que l'Etat a dû injecter dans ses banques afin de leur éviter la faillite après l'éclatement de la bulle immobilière.
Les marchés restent cependant fébriles en raison des risques de contagion à l'ensemble de la zone euro.
Reste aussi au gouvernement à faire passer la rigueur au Parlement: le budget 2011, première partie du plan annoncé mercredi, sera présenté devant les députés à partir du 7 décembre. M. Cowen appelle à un sursaut national dans l'espoir de resserrer les rangs de sa coalition, dont la quasi-implosion l'a forcé à s'engager à des élections anticipées début 2011.