Le numéro un du Medef Pierre Gattaz s'est invité vendredi dans les bruyantes allées du marché de Rungis où il a défendu, au pas de course, les patrons du commerce de gros face aux mesures "hérétiques" du gouvernement socialiste.
Le patron des patrons français avait été convié à parcourir les pavillons réfrigérés du premier marché mondial de produits frais par la confédération française du commerce international (CGI).
De 4H30 à 9H00, les présidents des syndicats de grossistes en volaille, en abats ou en fleurs, lui ont fait découvrir ces "filières d'excellence à la française" où la "pénibilité fait partie du métier", compensée par la "passion" et des "perspectives d'ascenseur social" pour les salariés du secteur.
Prenant à témoin les grossistes, le président du Medef a défendu les thèmes qui lui sont chers, réclamant plus de flexibilité et fustigeant "la complexité" introduite par la loi Hamon ou le compte pénibilité défendu par le gouvernement.
Dans l'immense bâtiment de la Marée, le plus grand du marché avec ses 250 mètres de long, Pierre Gattaz s'est aventuré aussi à discuter avec quelques salariés. Mais ceux-ci ont à peine le temps d'évoquer les "10 ans d'espérance de vie" perdus en travaillant "toutes les nuits, de 23H00 à midi" que le patron des patrons est tiré par la manche par Marc Hervouet, le président de la CGI.
La visite est mieux rodée dans le pavillon de la triperie. Entre les têtes de veau suspendues et les bacs remplis d'abats, Cheikh Omar Siby est de toutes les visites officielles. Désosseur à Rungis depuis 1978, très officiel "champion du monde" de la spécialité, l'homme découpe une tête de veau en une minute à peine, sous le regard admiratif de la délégation du jour.
"Voilà une belle tête de veau!", commente sobrement Pierre Gattaz. Visiblement plus à l'aise dans les couloirs du Medef qu'en casquette et blouse blanche dans les allées de Rungis, le patron des patrons préfère ne pas trop tâter la marchandise. Quant à goûter, il est manifestement trop tôt.
- 'De plus en plus compliqué' -
Mais avec Jean-Jacques Arnoult, président de l'Union des syndicats des marchands d'abats en gros, il enfourche un autre cheval de bataille. "Elles sont toutes de neuf à 49 salariés, vos entreprises?", demande M. Gattaz sous le regard désolé de son interlocuteur, qui confirme être confronté à ce "petit problème". Car dépasser les 49 salariés implique, pour les entreprises, de nouvelles obligations, notamment la création d'un comité d'entreprise.
"On a besoin de souplesse sur le marché du travail", confirme un négociant en viande. "On est des PME, on n'a pas les moyens d'avoir des DRH (directeur des ressources humaines, ndlr) ou des services administratifs. Mais avec toutes ces nouvelles règles, gérer une entreprise devient de plus en plus compliqué".
Au pas de course, les chefs d'entreprises traversent ensuite les pavillons des fruits et légumes, puis des fleurs, où Pierre Gattaz découvre que les Pays-Bas sont les numéros un du secteur.
La filière française, pourtant, il y croit, lui qui ne vit "que par l'entreprise". Elle le rend même lyrique, quand il évoque "une communauté humaine (...), l'alpha et l'oméga d'un pays qui réussit".
Constitué à 95% de PME, qui proposent plus de 100.000 emplois chaque année, le secteur du commerce de gros, qui se voit comme "une vache à lait jamais prise en compte dans les politiques publiques" selon les mots de Marc Hervouet, se dit quant à lui satisfait de l'action du président du Medef, dont c'était la première visite guidée à Rungis.
Une visite qui aura satisfait ce dernier. "Nos députés et nos ministres devraient venir ici, pour voir comment ça fonctionne, avec des gens heureux de leur métiers", s'exclame-t-il avant de partir.