Surtaxer les bonus, instaurer un malus, renforcer les obligations des banques sur les activités les plus risquées : les propositions se multipliaient pour réguler les rémunérations variables des opérateurs de marché à la veille d'une réunion à l'Elysée sur ce thème.
Le mode de rémunération des traders, les salariés qui travaillent dans les salles de marché, est cité parmi les causes de la crise financière, ayant poussé ces opérateurs à prendre des risques inconsidérés.
Selon le sociologue Olivier Godechot, ils ont également incité les salariés des back offices, qui contrôlent les risques pris et la conformité des opérations, à fermer les yeux car leur bonus est calculé à partir de l'enveloppe distribuée à la salle de marché.
Face à ce constat, les banques françaises ont pris l'initiative en février d'adopter une série de règles contraignantes qui prévoient notamment de différer dans le temps le paiement d'une partie du bonus afin de vérifier si la contribution du salarié à la performance de la banque a été in fine positive.
Reste à préciser le délai retenu et la part qui sera ainsi versée sous condition de performance.
Le débat sur les bonus a été relancé après l'annonce début août par BNP Paribas d'une provision de 1 milliard d'euros au premier semestre pour ses opérateurs de marché, jugée disproportionnée en regard du prêt de 5 milliards d'euros dont la banque a bénéficié.
Certains, à l'instar du régulateur allemand ou suisse, envisagent d'aller plus loin que les banques françaises en instaurant un "malus", en contraignant le salarié à rembourser tout ou partie de son bonus si les opérations engendrent des pertes.
Des économistes prônent parallèlement de renforcer la part du bonus versée en actions afin de lier étroitement le destin du salarié à celui de son entreprise.
Plus radical, l'économiste Jacques Attali propose purement et simplement, sur son blog, de supprimer les bonus. Avec cet argument : "les bonus sont pour les banquiers quand ils réalisent des gains, et les malus pour les contribuables quand ils réalisent des pertes".
Olivier Godechot, lui, plaide pour une taxation accrue des bonus, ce qui "permettrait de compenser les interventions périodiques de sauvetage et de répondre aux demandes des citoyens pour moins d'inégalités".
Une piste elle aussi favorisée par le socialiste Laurent Fabius, appelant lundi à "surtaxer" les bonus lorsqu'ils "sont supérieurs" au million d'euros, mais qui ne peut être isolée, au risque de créer une distorsion de concurrence entre les banques soumises à cette réglementation et les autres.
L'administration Obama, après y avoir été favorable, a ainsi finalement renoncé à limiter les rémunérations par la loi.
Pour Romain Rancière, professeur associé à la Paris School of Economics, la manière la plus efficace de réguler les rémunérations est d'exiger des banques qu'elles allouent plus de fonds propres aux activités les plus risquées, celles qui donnent lieu au paiement des plus gros bonus.
Cette solution coûteuse pour les banques devrait réduire la prise de risque et donc les bonus qui la récompensent.
Une autre piste, développée par David Thesmar, professeur associé à HEC, consiste à "donner aux actionnaires et contribuables davantage de pouvoir de supervision sur les banques". Selon l'économiste, ce qui est versé aux traders est indûment pris aux actionnaires et/ou à l'Etat, qui a apporté sa garantie. D'où sa proposition que le responsable du contrôle des risques siège au conseil d'administration, censé rendre des comptes aux actionnaires.