PARIS (Reuters) - Le ministère de la Justice et le Conseil national des barreaux (CNB) ont signé mercredi un protocole d'accord censé mettre fin à plusieurs semaines de grèves totales ou partielles dans les tribunaux, sans clore le débat sur l'aide juridictionnelle (AJ).
Le ministère maintient le relèvement du plafond de ressources à 1.000 euros, au lieu de 941, pour être éligible à une prise en charge à 100%, ce qui permettrait à 100.000 personnes supplémentaires de bénéficier de cette aide.
Le protocole d'accord prévoit en revanche une hausse de la rémunération des avocats au titre de l'AJ, un mécanisme destiné à permettre aux plus démunis d'être défendus et dont la réforme était au coeur des crispations.
"La grève s'arrête", a déclaré le bâtonnier de Paris, Pierre-Olivier Sur, lors d'une conférence de presse.
"Nous pouvons suspendre le mouvement (...) mais il va de soi que chacun reste l'arme au pied pour que ce protocole soit respecté", a nuancé le président du CNB, Pascal Eydoux.
"Il a fallu que nous rencontrions des difficultés considérables et violentes à la porte des palais de justice pour que nous puissions (...) être écoutés", a-t-il ajouté.
Le mouvement contre le projet de refonte de l'AJ s'est durci la semaine dernière. Des manifestants ont dit avoir été victimes de violences policières alors qu'ils bloquaient des tribunaux, notamment à Lille et Toulouse.
Pour apaiser la fronde, la garde des Sceaux, Christiane Taubira, avait déjà renoncé la semaine dernière à financer sa réforme en puisant dans les fonds placés dans une caisse gérée par les avocats, la Carpa (Caisse des règlements pécuniaires des avocats). Mais cette initiative n'avait pas suffi.
Selon le CNB, 156 barreaux sur 164 étaient encore mobilisés lundi et, parmi eux, 93 observaient une grève totale.
"NOUS RESTONS VIGILANTS"
Selon le compromis conclu mercredi, la rémunération des avocats au titre de l'AJ est immédiatement revalorisée, une première depuis 2007 : l'unité de valeur (UV) correspondant à une demi-heure de travail augmentera en moyenne de 12,6%, précise le ministère dans un communiqué.
Le gouvernement s'engage également à augmenter le budget de l'aide juridictionnelle, qui sera porté de 375 millions d'euros en 2015 à 400 millions en 2016.
Des réunions régulières auront lieu avec la profession pour suivre la mise en oeuvre de la réforme.
Avocats et ministère sont convenus de réfléchir dans un deuxième temps à une nouvelle étape, avec une contractualisation complémentaire et un dispositif assurant la pérennité du financement de l'AJ.
"Nous restons vigilants", a averti Pierre-Olivier Sur. "La route est encore longue pour que nous puissions obtenir en France un système qui serait à la hauteur de celui de l'Angleterre ou de celui des pays du Nord de l'Europe."
Pour le président de la Conférence des bâtonniers, Marc Bollet, "le combat continue" : selon lui, la signature du protocole d'accord n'est qu'une étape dans les discussions engagées avec les pouvoirs publics.
Signe d'un mécontentement persistant dans la profession, le Syndicat des avocats de France (SAF) a pour sa part jugé "insuffisantes" les propositions du gouvernement et appelé "l'ensemble des avocats à maintenir la mobilisation par des modes d'action diversifiés".
(Simon Carraud, édité par Emmanuel Jarry)