Amer et marqué, le Français Antoine Bernheim, remplacé samedi à la présidence de la compagnie d'assurances italienne Generali par le président de Mediobanca, Cesare Geronzi, a tiré sa révérence à 85 ans en dénonçant son éviction devant les actionnaires.
"Ils ne veulent plus de moi, je m'en vais (...) Allez interviewer les vedettes (...), il faut pas interviewer les perdants", a-t-il lancé à la presse en quittant avant la fin l'assemblée générale réunie à Trieste (nord-est).
"Il paraît qu'aujourd'hui, à 85 ans, je suis un vieillard +rimbambito+ (gâteux, NDLR)" mais "évidemment, mon âge est un prétexte", avait-il déclaré plus tôt.
Le visage marqué et sanglotant, M. Bernheim, applaudi, s'est dit "triste de quitter une société" dans laquelle il "a vécu pendant quarante ans" et a défendu avec ferveur son bilan.
"J'ai beaucoup de rancoeur à l'égard de certains mais je ne l'ai pas manifestée, je suis pour la paix des braves et même pour la paix des non braves", a-t-il ironisé, souhaitant un "grand succès" à M. Geronzi.
Afin de "garder un lien", il a décidé de ravaler son honneur en acceptant la présidence honoraire, qu'il avait comparée à une "insulte" dans un entretien au Figaro début avril.
M. Bernheim souhaitait rempiler comme président ou rester au moins administrateur mais Mediobanca, premier actionnaire de Generali, a désigné fin mars son président Cesare Geronzi pour lui succéder.
A l'issue de l'assemblée, le conseil d'administration a entériné la nomination de M. Geronzi qui s'est dit "très heureux" d'avoir été choisi.
Très proche de M. Bernheim, l'homme d'affaires français Vincent Bolloré, qui détient 5% de Mediobanca, a été nommé vice-président de Generali, ce qui lui permet de consolider sa place dans la finance italienne.
"Après dix ans" de présence au sein du capital de Mediobanca, "c'est une marche de plus", a-t-il dit à l'AFP.
Revenant sur le départ de M. Bernheim, M. Bolloré a assuré qu'il n'y avait "pas de problèmes" entre lui et son mentor: "Il dit lui-même que j'ai été fidèle et que j'ai fait tout ce que je pouvais".
Selon des propos rapportés par le Nouvel Observateur jeudi, M. Bernheim avait accusé M. Bolloré de l'avoir "trahi" et "défendu mollement" avant de démentir toute trahison vendredi dans le Corriere della Sera.
Figure centrale de la finance des deux côtés des Alpes, M. Bernheim a modelé le capitalisme français des années 1960 à 1990, en tant que banquier chez Lazard.
En Italie, entré au conseil de Generali en 1973, il en a été président de 1995 à 1999, année où il avait déjà été débarqué par Mediobanca. Aidé par Vincent Bolloré, il reviendra par la grande porte en reprenant la présidence en 2002 pour la conserver jusqu'en 2010.
Agé de 75 ans, M. Geronzi, est considéré comme l'un des grands ordonnateurs de la finance italienne, qui dispose de solides réseaux politiques. Mais des actionnaires ont fait part durant l'assemblée de leurs craintes à cause de ses démêlés avec la justice et de ses liens avec le monde politique.
Mis en cause dans plusieurs affaires de faillite, dont le scandale Parmalat, il avait été condamné en 2006 à 20 mois de prison pour le krach du groupe immobilier Italcase avant d'être relaxé en appel.
Le poste de président de Generali est hautement stratégique en Italie, le "Lion de Trieste" détenant de nombreuses participations, notamment dans la banque Intesa Sanpaolo ou dans Telecom Italia.