Le ministère du Travail a fait machine arrière vendredi en retirant de son site internet les listes des entreprises mal notées en matière de prévention du stress au travail, après que plusieurs sociétés ainsi que des syndicats ont critiqué le classement.
Le Medef est aussi monté au créneau par la voix de l'un de ses responsables, Benoît Roger-Vasselin, qui a dénoncé jeudi soir sur France 3 une méthode "plus que contestable". Le patronat entend que la pratique du "name and shame" (nommer et faire honte) soit réservée à des cas extrêmes.
Le gouvernement avait distribué jeudi bons et mauvais points aux entreprises de plus de 1.000 salariés, classées en trois catégories en fonction de leurs efforts de prévention: rouge (celles qui n'ont rien entrepris ou n'ont pas répondu au questionnaire soumis par le ministère), orange (ont engagé une ou plusieurs réunions de négociations ou de discussions) et vert (ont signé un accord de fond ou de méthode).
Les listes ont été visibles seulement 24 heures sur le site travailler-mieux.gouv.fr, et ont été consultées de façon importante avec 1,2 million de pages vues en une demi-journée jeudi.
"De nombreuses entreprises classées en rouge ou en orange ont fait part au ministère du Travail de leurs intentions d'engager ou de poursuivre des démarches" et "nous nous employons à préparer une nouvelle photographie de la situation des entreprises", a indiqué le ministère sur le site.
D'après un expert des ressources humaines, qui a fait état de "pressions d'industriels" dans cette affaire, "cette capitulation aura un effet +désincitatif+ terrible dans les entreprises".
Selon une source proche, certaines sociétés ont préparé des actions en justice pour le préjudice subi de se retrouver en liste rouge. Le ministère n'a pas retiré les listes "sous cette menace", a toutefois assuré un porte-parole.
Au contraire, le ministère se félicite de la "dynamique" enclenchée dans la prévention du stress. La liste verte est toujours visible "afin de montrer les bonnes pratiques" et sera mise à jour en continu.
Le ministre du Travail Xavier Darcos avait fait de la "transparence" son mot d'ordre en lançant en octobre aux entreprises son invitation à engager des négociations.
Il s'était dit jeudi "persuadé que la transparence suffirait, qu'il serait inutile de créer une taxe" et avait souligné que les entreprises en rouge "subiraient la pression de leurs syndicats et du marché".
Les réactions n'avaient pas tardé, à commencer par Picard Surgelés et le laboratoire GSK, mal classés, qui ont promis des négociations en mars.
Goodyear Dunlop, également en rouge, a aussi fait savoir vendredi que ses informations n'avaient "pas dû être reçues à temps" bien que le groupe ait lancé un plan d'actions concerté ainsi que, pour son usine d'Amiens-Nord en restructuration, un dispositif de gestion des risques psychosociaux.
Le Medef a relevé "de très nombreuses erreurs" concernant les listes orange et rouge.
La CFDT a aussi expliqué que dans certaines sociétés, syndicats et direction avaient fait le choix de négocier sur d'autres sujets plus urgents que le stress.
D'autres syndicats ont aussi relativisé le classement, comme une intersyndicale de la Fnac qui a dénoncé une "opération de communication", l'enseigne étant dans le vert bien que les conditions de travail se dégradent. La direction a fait valoir à l'AFP que tous les syndicats avaient signé un accord de méthode pour travailler sur le stress.
Pour la CFE-CGC de Hewlett-Packard aussi, le fabricant d'ordinateurs est comme la pastèque, "vert à l'extérieur mais rouge à l'intérieur".