par Simon Carraud
PARIS (Reuters) - Un homme connu de la justice et des services de renseignement a été abattu samedi en tentant de dérober le fusil d'assaut d'une militaire de l'opération Sentinelle à l'aérogare d'Orly Sud, au terme d'une équipée entamée 1h30 plus tôt dans le nord de la banlieue parisienne.
L'assaillant, identifié par la justice comme Ziyed Ben Belgacem, a commencé par tirer sur un policier lors d'un contrôle routier à Garges-lès-Gonesse (Val-d'Oise) puis dans un bar de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), avant de voler une voiture et de prendre la direction d'Orly.
"Je suis là pour mourir par Allah. De toute façon, il va y avoir des morts", a-t-il dit aux militaires de Sentinelle patrouillant dans l'aérogare, selon les premiers témoignages cités par le procureur de Paris, François Molins.
Le trafic a été temporairement interrompu à Orly (Val-de-Marne), le deuxième aéroport de France en nombre de passagers, avant de reprendre progressivement dans le courant de la journée.
La nature des cibles visées et le profil de l'assaillant, surtout connu pour des délits de droit commun mais repéré pour "radicalisation", ont conduit la section antiterroriste du parquet de Paris à se saisir de l'enquête, confiée notamment à la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI).
Une patrouille de militaires de l'opération Sentinelle avait déjà été la cible, le 3 février à Paris, d'un homme armé de deux machettes. Les soldats présents avaient alors répliqué, sans tuer leur agresseur.
Cette fois-ci, l'assaillant a multiplié les cibles, d'un bout à l'autre de la région parisienne.
"En 1h30, il y a une sorte de fuite en avant avec une accélération dans un processus de plus en plus destructeur, qui va visiblement crescendo", a raconté François Molins lors d'une conférence de presse, durant laquelle il s'est interrogé sur les motivations de Ziyed Ben Belgacem.
UN POLICIER LÉGÈREMENT BLESSÉ
L'expédition de ce Français âgé de 39 ans a commencé peu avant 07h00 du matin (06h00 GMT) à Garges-lès-Gonesse, où son véhicule, une Clio qui roulait à vive allure tous feux éteints, a été arrêté par des policiers.
Il a alors présenté ses papiers puis ouvert le feu avec un pistolet à grenaille sur un policier, le blessant légèrement, selon la version livrée à la fois par les autorités et la justice.
Il a ensuite pris la fuite à bord de son véhicule jusqu'à un bar de Vitry-sur-Seine, où il a mis en joue des clients et tiré au moins quatre fois, avec son revolver à grenaille, sans blesser personne.
Nouvelle étape de son équipée cinq kilomètres plus loin : sous la menace de son arme, il s'est emparé d'une autre voiture, de marque Citroën, avec laquelle il s'est rendu au terminal Sud de l'aéroport d'Orly.
A 08h22, selon le déroulé livré par François Molins, Ziyed Ben Belgacem, est arrivé au premier étage du hall A, a jeté au sol un sac contenant un bidon d'essence et attrapé une militaire qui patrouillait avec deux autres soldats de Sentinelle, en pointant sur sa tempe son arme à grenaille.
Au terme d'une lutte qui s'est poursuivie sur plusieurs mètres, il est parvenu à se saisir de son fusil d'assaut Famas et à le mettre en bandoulière. Les deux autres militaires ont alors ouvert le feu et abattu l'assaillant, touché de trois balles, toujours selon le procureur de Paris.
NEUF MENTIONS AU CASIER JUDICIAIRE
"Elle a réussi à tenir mais ses deux camarades ont pensé nécessaire, ils ont eu raison, d'ouvrir le feu pour la protéger et surtout pour protéger tout le public qui était alentour", a précisé le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui a fait le déplacement à Orly dans la matinée.
En fin de journée, François Molins a donné davantage de précisions sur le parcours de Ziyed Ben Belgacem, dont le casier judiciaire comporte neuf mentions, principalement pour des faits de violence, d'outrage, de recel et de trafic de stupéfiants.
Il a notamment été condamné en 2001 à cinq ans d'emprisonnement, puis en 2009 à des peines de trois ans et de cinq ans d'emprisonnement. Il était sous contrôle judiciaire depuis septembre dernier en raison d'une mise en examen dans une enquête sur des vols par effraction.
Son père, un frère et un cousin ont été placés en garde à vue après les événements de la matinée, a fait savoir le procureur de Paris, et, de source judiciaire, on précise que son domicile de Garges-Lès-Gonesse a été perquisitionné.
A Orly, 3.000 personnes ont été évacuées du terminal Sud, selon le ministère de l'Intérieur, et le trafic a été suspendu, avant de reprendre progressivement à partir du début d'après-midi, d'abord au terminal Ouest puis au terminal Sud.
C'est la quatrième fois que des assaillants s'attaquent à des soldats de l'opération Sentinelle, déployée dans les lieux publics de la France entière après les attentats de janvier 2015 à Charlie hebdo et dans un commerce de produits cacher.
Ces agressions, qui ont eu lieu à Nice en février 2015, à Valence en janvier 2016, au Louvre le mois dernier et désormais à Orly n'ont fait aucun mort parmi les militaires.
"Ceux qui s'interrogeaient encore sur le rôle de l'opération Sentinelle, c'est-à-dire la présence de militaires dans des lieux publics (...), doivent comprendre que ce renfort des militaires pour nos forces de sécurité est essentiel", a réagi François Hollande, en marge d'un déplacement en Isère.
(Avec Emmanuel Jarry, Brian Love et Service France, édité par Jean-Stéphane Brosse)