Plainte devant la Cour internationale de Justice, bras de fer vain contre les "fonds vautours", rachat avorté des créances par des banques, résolution à l'ONU mardi et changement de lieu de paiement validé mercredi: l'Argentine multiplie les initiatives pour gagner du temps sur le front de la dette.
Afin de contourner le blocage par la justice américaine d'une échéance de dette de 539 millions de dollars depuis fin juin, dans le cadre du contentieux opposant l'Argentine à des "fonds vautours", le Congrès argentin devait définitivement adopter mercredi une loi offrant aux créanciers l'alternative de Buenos Aires ou de Paris pour encaisser leurs remboursements.
Celle-ci a été votée aux premières heures de mercredi par la Chambre des députés, et devrait ensuite être avalisée par le Sénat.
Depuis la crise économique de 2001 qui a mis le pays au tapis, l'Argentine a remboursé sa dette sans accroc, devançant parfois les échéances, avant d'être rattrapée en juin 2014 par les "holdout", une poignée de créanciers (7%) qui ont toujours refusé la restructuration de la dette souscrite par 93% des créanciers.
Ils ne détiennent que 1% de la dette argentine, mais les "fonds vautours" ont gagné aux Etats-Unis une longue procédure judiciaire contre l'Argentine.
Théoriquement ils doivent empocher 100% de la valeur des bons alors que les créanciers restructurés n'en touchent que 30%, plaçant Buenos Aires devant un choix difficile. Soit payer aux "fonds vautours" leur 1,4 milliard de dollars et s'exposer à des réclamations similaires des autres créanciers, soit prendre le risque de se retrouver en "cessation de paiement partielle" durant quelques mois.
- Gagner du temps -
Pour l'économiste argentin Pablo Tigani, la présidente argentine de centre gauche Cristina Kirchner finira par signer un chèque aux "fonds vautours" en 2015. Pour l'instant, estime-t-il, "le gouvernement est en train de gagner du temps, pour tenir jusqu'au 1er janvier 2015 quand la clause Rufo expire."
La clause Rufo oblige à rembourser tous les créanciers dans les mêmes termes, un argument que les créanciers restructurés pourraient utiliser contre l'Argentine si elle règle son différend avec les "fonds vautours" en 2014.
D'après une analyste argentine, Soledad Perez, l'ouverture de guichets à Buenos Aires ou à Paris "a peu de chances de convaincre les créanciers", que ce soit pour encaisser l'échéance du 30 juin ou la prochaine, de 200 millions de dollars, due le 30 septembre.
Aucun détail n'a été donné sur la façon dont une telle opération pourrait se dérouler. "Nous ne comprenons rien à cette affaire", a déclaré à l'AFP, sous couvert d'anonymat, un éminent économiste européen.
L'Argentine "avait quatre dossiers à régler. Une solution a été trouvée avec trois : le Club de Paris, le CIADI (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements) et Repsol-YPF (indemnisation après nationalisation), mais elle n'a pas pu trouver un accord avec les fonds vautours", note Mme Perez.
A New York, l'assemblée générale de l'ONU a adopté mardi une résolution présentée par l'Argentine et le G77+Chine pour jeter les bases d'une régulation des restructurations de dettes souveraines, afin qu'une minorité de créanciers ne puisse pas faire chanceler un processus de désendettement ayant rallié une majorité.
L'Association internationale des marchés de capitaux (Icma), regroupement des principales banques, investisseurs et émetteurs de dettes de la planète, a également publié de nouvelles règles pour éviter que ne se reproduise un scénario dans lequel une minorité bloque un accord de restructuration.
Et alors que l'Argentine est en mal de financement sur les marchés, la Banque mondiale (BM) a donné son feu vert mardi à un nouveau partenariat qui pourrait se traduire par un prêt de 5,3 milliards de dollars.
L'incertitude, qui règne depuis que les agences de notation ont classé le 30 juin en "défaut sélectif" de paiement la troisième économie d'Amérique latine (derrière le Brésil et le Mexique), a paralysé la consommation et frappé l'industrie, contrainte depuis à des fermetures d'usines et des mises au chômage partiel.
Malgré la situation économique - la récession pourrait être de plus de 2% en 2014, l'inflation dépasse les 20% depuis sept ans et le cours du dollar au marché noir dépasse de 70% le taux officiel -, cette affaire a paradoxalement permis à Cristina Kirchner de récupérer une partie de sa popularité en se positionnant comme un rempart face aux spéculateurs.