Le loueur de vidéos américain Blockbuster a annoncé jeudi qu'il avait déposé le bilan avec l'accord de ses principaux créanciers, qui deviendront actionnaires pour lui permettre de poursuivre ses opérations en effaçant l'essentiel de ses dettes.
Blockbuster, payant le retard pris pour exploiter de nouveaux modes de distribution basés sur internet, avait accumulé près d'un milliard de dollars de dettes et déjà repoussé à deux reprises cet été ses échéances pour honorer ses obligations.
Dans ce processus, le groupe texan sacrifie ses actionnaires, dont les titres ne valaient plus que 6 cents, ainsi que les titulaires de dette non garantie. Ils perdront tout leur investissement. En revanche les détenteurs de dette garantie verront leurs obligations transformées en actions.
Le groupe se voit repartir de l'avant avec seulement 125 millions de dollars de dette, qui lui permettront, en attendant que le processus soit finalisé, de poursuivre ses opérations normalement.
Depuis plus d'un an, le groupe texan, ancienne filiale du groupe de médias Viacom devenue indépendante en 2004, tente de se redresser, en supprimant des centaines de boutiques et en sabrant dans ses dépenses.
Pour Michael Pachter, analyste chez Wedbush Securities, Blockbuster paie aujourd'hui le prix d'avoir trop tardé à prendre le tournant de nouvelles habitudes de consommation, qui bouleversent les codes de la distribution traditionnelle.
"La faute qu'ils ont commise c'est d'avoir mis trop longtemps à prendre Netflix au sérieux, et quand ils ont décidé de le concurrencer en 2004, ils l'ont mal fait", a expliqué M. Pachter à l'AFP.
Netflix, fondé en Californie en 1997, compte aujourd'hui plus de 15 millions d'abonnés américains à ses services de location de vidéo par courrier ou en streaming.
Blockbuster a tenté de se défendre sur un autre front, celui des automates, comme ceux de la société Redbox qui permettent d'aller chercher dans un distributeur automatique près de chez soi un film réservé préalablement sur internet. Ces automates sont considérés comme un axe de développement par Blockbuster, qui prévoit d'en avoir quelque 7.500 d'ici à la fin de l'année.
M. Pachter voit encore des chances de survie, au moins à moyen terme, pour Blockbuster, naguère une enseigne emblématique des villes et banlieues américaines: "Il y aura toujours des gens qui aiment faire leurs courses en magasins".
"Le fait est que Netflix et Redbox fournissent les mêmes DVD que Blockbuster, mais avec Netflix il faut attendre (un jour ou deux) avant de recevoir ce qu'on a commandé, et avec Redbox la sélection est limitée. Avec Blockbuster ont peut choisir parmi 10.000 films en magasin", ajoute-t-il.
"La question, c'est de savoir s'il y aura assez de passage pour faire vivre les magasins en dur", convient toutefois M. Pachter, relevant que le nombre d'habitués de ces magasins ne cesse de diminuer.
A court terme, il faut encore s'attendre à une nouvelle cure d'amaigrissement drastique.
"Les créanciers ne vont pas garder des magasins qui ont des bénéfices marginaux", à hauteur de 10 à 20.000 dollars, de peur qu'ils perdent autant d'argent l'année prochaine ou la suivante, explique l'expert. "Ils ont à peu près 3.000 magasins aux Etats-Unis maintenant, ils vont sans doute descendre à 2.000".
Si le plan de redressement échouait, Blockbuster laisserait sur le carreau jusqu'à 48.000 employés, dont seulement 9.000 à plein temps (chiffres de janvier). Le groupe a précisé jeudi que son dépôt de bilan ne concernait ni ses automates ni ses magasins franchisés ni les activités internationales.