Plus de 4 ans après un fameux discours à la "France qui se lève tôt", Nicolas Sarkozy est revenu mardi dans les Ardennes pour tenter de raviver, à la faveur de la reprise économique, la flamme du "président du pouvoir d'achat" qu'il avait promis d'être.
C'était en décembre 2006. Une visite du lycée agricole à Rethel et une réunion publique à Charleville-Mézières. Celui qui n'était alors que le candidat Sarkozy y avait étrenné ses slogans les plus célèbres. Un hommage enthousiaste à la "France qui travaille et qui en a beaucoup bavé", la promesse de "faire reculer le chômage de masse" et "d'augmenter les salaires".
"Je ne vous trahirai pas, je ne vous mentirai pas, je ne vous abandonnerai pas", avait-il lancé à un auditoire durement frappé par le chômage, et sérieusement tenté de voter pour le Front national.
Les formules avaient alors fait mouche. Et assuré sa victoire. Mais, quatre ans d'exercice du pouvoir et une sévère crise financière puis économique plus tard, le charme n'opère plus. En tout cas dans les Ardennes, où les plans sociaux et les fermetures d'usines sont restés d'actualité.
"Pas mal d'ouvriers ont voté pour lui en 2007, c'est vrai", concède le patron de la CGT départementale, Patrick Lattuada, "mais il n'a pas tenu ses promesses et a fait beaucoup de déçus". "Il nous avait servi un discours de gauche", se souvient, encore très remonté, le député PS Philippe Vuilque, "mais ça ne marchera plus, je lui promets une belle raclée chez nous en 2012".
Un comité d'accueil plutôt sévère qui n'a pas découragé Nicolas Sarkozy. A un an de la présidentielle, au plus bas dans les sondages et menacé par les velléités d'indépendance de l'aile centriste de sa majorité, le chef de l'Etat a profité de sa énième visite d'usine, la Fonte ardennaise cette fois, pour essayer de convaincre qu'il n'avait pas renié sa fibre sociale.
D'abord en célébrant le "travail fantastique" de ses ouvriers et sa passion pour les usines, "là où on ne peut pas tricher (...) et où on est solidaire".
Puis en égrenant les efforts de son gouvernement pour que, malgré la crise, "la France garde des usines". De la fin de la taxe professionnelle au crédit impôt recherche. "Dans les Ardennes, vous avez souffert plus que les autres", a reconnu le président, "mais maintenant, ça repart".
Et sur la question sensible du pouvoir d'achat, Nicolas Sarkozy a précisé les contours de la "prime" aux salariés qu'il veut imposer aux entreprises. "Quand il y a la reprise, j'affirme qu'il est normal que les salariés et les ouvriers à qui on a demandé des efforts pendant la crise bénéficient de la reprise, c'est un principe sur lequel je ne céderai pas", a-t-il affirmé.
D'ici "quelques jours", le gouvernement dévoilera donc son "dispositif", a assuré le président. Selon le schéma retenu, il s'agira "d'obliger" les grandes entreprises qui augmentent leurs dividendes à "négocier" une prime aux salariés, quand bien même il a qualifié de "plaisanterie" les discussions qu'il avait demandées aux partenaires sociaux sur le "partage de la valeur". Et d'exonérer de charge sociale les primes versées par les petites entreprises.
"Il y a quand même une différence entre Total et nous", a réagi, prudent, le patron de la Fonte ardennaise, Nicolas Grosdidier, "on verra". "Encore une promesse", a raillé la déléguée CFDT Nadine Baudion. "Un récidiviste sur les lieux de son crime", a même osé le député souverainiste Nicolas Dupont-Aignan.
Conclusion désabusée d'un salarié: "Il est en campagne, comme les autres, mais on n'est pas dupe. Ici, ça fait longtemps qu'on ne les croit plus".