Dans la finance mondiale, le mercato des traders est reparti à la faveur du rebond des marchés, avec la réapparition, pour attirer les meilleurs, d'offres mirobolantes qui continuent de faire polémique.
"Il y a beaucoup de mouvement en ce moment", confirme un banquier, sous couvert d'anonymat.
De sources concordantes, le marché est notamment animé par le japonais Nomura et le britannique Barclays, qui se sont partagés à l'automne les restes de Lehman Brothers.
"Ils doivent consolider des activités, veulent prendre des parts de marché et offrent des bonus garantis, chose qu'on ne peut pas faire parce que nous avons pris des engagements", explique un banquier français, en référence à la charte signée en février par les banques françaises.
Ce redémarrage en fanfare après seulement quelques mois de crise a suscité des réactions politiques en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. La ministre française de l'Economie Christine Lagarde a dénoncé lundi une "course à l'échalote", qu'elle souhaite "éradiquer".
"Pour attirer les talents, il faut être compétitif sur le plan de la rémunération. Notre philosophie est basée sur la performance", fait-on valoir chez Nomura.
Crédit Suisse et plusieurs grandes maisons américaines leur auraient déjà emboîté le pas, à l'instar de Bank of America, qui vient d'offrir, selon le New York Times, un contrat garanti de 30 millions de dollars sur deux ans à une ancienne associée de Goldman Sachs.
"Les mouvements sont accentués par le fait que les gens sont plus faciles et moins coûteux à débaucher" du fait de la crise, juge le salarié d'une banque française.
Déjà un ton en-dessous de leurs consoeurs en matière de rémunération, les banques françaises voient l'écart s'agrandir.
Une tendance que devrait accentuer le retour programmé des bonus, comme en témoignent les chiffres annoncés par Goldman Sachs, qui a déjà versé ou provisionné l'équivalent de 390.000 dollars par employé pour le premier semestre.
L'enveloppe de 59.000 euros par personne prévue par BNP Paribas pour la même période, selon un calcul de Libération confirmé par la banque, est nettement inférieure, même s'il ne s'agit là que de rémunération variable.
"Nerveux", selon un salarié de grande banque française, les opérateurs de marché des établissements hexagonaux ont déjà largement entamé les discussions sur les bonus de 2009, alors qu'elles démarrent habituellement en novembre.
Une poignée de traders ont déjà quitté la Société Générale et BNP Paribas, selon Eric Singer, associé fondateur du cabinet de recrutement spécialisé Singer et Hamilton.
Mais si les banques françaises reconnaissent quelques départs, toutes les estiment limités.
"Chez BNP Paribas, il n'y a pas eu du tout d'hémorragie en 2009, parce que les gens se sont dits que l'environnement était difficile et qu'ils étaient dans une banque qui s'en était très bien sortie", analyse Vally Colli, associée au sein du cabinet spécialisé Vendôme Associés.
BNP Paribas n'a ainsi connu qu'un trimestre de perte depuis l'été 2007, tout comme Crédit Agricole.
"Il y a une prime aux banques qui ont des perspectives d'activité intéressantes, un potentiel", ajoute un banquier suisse, pour qui "la rémunération est clairement un élément important, mais pas le seul".
Si les banques françaises ont beaucoup d'équipes à l'étranger, Mme Colli constate également que "la mobilité est moindre en France qu'à Londres ou à New York".
Une différence liée au faible nombre de personnels à Paris (entre 5.000 et 7.000 selon M. Singer) et à un attachement souvent fort des Français à leur pays.