Bercy et la Caisse des dépôts (CDC) ont finalisé l'accord qui va apporter à La Poste 2,7 milliards d'euros d'argent frais, dont 1,5 milliard provenant de la CDC, pour lui permettre de financer son développement à l'aube de l'ouverture totale à la concurrence, début 2011.
Cet accord constitue la dernière étape d'un processus initié en décembre 2008 par le président Nicolas Sarkozy, qui a notamment vu La Poste changer de statut début mars pour devenir une société anonyme à capitaux publics.
Il prévoit l'injection dans le groupe public, avant la fin de l'année, de 2,7 milliards d'euros dans le groupe public, répartis entre la CDC (1,5) et l'Etat (1,2). L'accord sera présenté dans les prochaines semaines à la Commission européenne.
En échange de son apport, la Caisse des dépôts va recevoir 26,32% du capital du groupe de distribution de courrier, de colis et de services financiers, actuellement valorisé 3 milliards d'euros avant sa recapitalisation.
En cas de réalisation, voire de dépassement des objectifs du plan stratégique de La Poste, qui s'achève en 2015, la CDC est susceptible de verser un complément de prix qui pourrait aller jusqu'à 526 millions d'euros.
Ces apports, cette année et éventuellement en 2015, doivent permettre à La Poste de financer son développement et de disposer notamment de capacités financières pour réaliser, le cas échéant, des acquisitions.
L'établissement public se dote ainsi de marges de manoeuvre pour aborder l'ouverture totale à la concurrence, qui deviendra réalité début 2011.
Seuls les envois de moins de 50 grammes sont encore, à ce jour, protégés par un monopole. Ils représentaient, fin 2009, environ 28% du chiffre d'affaires de La Poste, selon le groupe.
Dans le cadre de son plan stratégique, le groupe s'est fixé pour objectif de demeurer rentable et d'autofinancer ses investissements sur ses activités courrier à l'horizon 2015.
Le syndicat Sud-PTT, deuxième syndicat de La Poste, s'est inquiété des conditions de l'entrée de la CDC au capital, craignant que pour tenir les objectifs du plan, "les patrons de La Poste pressurent encore plus que prévu le personnel et rognent sur les missions de service public".
Le plan stratégique, baptisé Ambition 2015, a été présenté mi-avril. Il vise un chiffre d'affaires de près de 22 milliards d'euros à cette échéance et une marge opérationnelle de 8%.
La marge opérationnelle de La Poste a fortement décru depuis 2007, où elle atteignait 6,3%. Elle a été de 4,3% en 2008 puis 3,7% en 2009.
Les termes de l'accord prévoit qu'aucune décision stratégique ne pourra être prise par La Poste sans validation des représentants de la CDC.
"On ne le voit pas d'un bon oeil, dans le sens où derrière, cela va être encore la recherche de productivité", a réagi Jean-Luc Jacques, président de la CFTC Poste.
M. Jacques s'inquiète des conséquences de l'ouverture à la concurrence du courrier pour les envois de moins de 50 grammes, qui pourrait bousculer le modèle d'activité du groupe.
"Si un opérateur propose un courrier quatre fois moins cher sur les segments les plus rentables, c'est à dire la clientèle entreprise en zone urbaine, comment va faire La Poste?", s'interroge-t-il ?
Sous couvert d'anonymat, un observateur rappelle que dans le cas des colis, marché ouvert à la concurrence depuis toujours, La Poste a conservé une part de marché supérieur à 90%.
Le programme de modernisation de l'appareil industriel du service courrier est déjà entamé et doit s'achever d'ici 2012, selon le plan stratégique.