La Hongrie, dont la note souveraine est dorénavant taxée de "spéculative" par deux agences de notation, subit la pression des marchés, accentuée par la méfiance du Fonds monétaire international et de la Commission européenne envers son Premier ministre Viktor Orban.
Face à la dégradation de la situation économique du pays, notamment la forte dévaluation de sa devise, le forint, qui a perdu près de 20% de sa valeur par rapport à l'euro au cours des trois derniers mois, le chef du gouvernement a été contraint de lancer un appel au secours au FMI qu'il boudait depuis deux ans.
Lors de la crise de 2008-2009, la Hongrie n'avait été sauvée de la banqueroute que grâce à un prêt de vingt milliards d'euros du FMI, de la Banque mondiale et de l'Union européenne (UE).
Mais cette fois, les négociations avec le FMI et Bruxelles pour une nouvelle bouée de sauvetage sont dans l'impasse: la volonté du conservateur Viktor Orban de réformer la Banque centrale, dont le président Andras Simor lui déplaît notoirement, menace, selon le FMI, l'UE et la Banque centrale européenne (BCE), la sacro-sainte indépendance de cette institution.
En signe de protestation, une première visite exploratoire d'une mission du FMI et de l'UE a été interrompue la semaine dernière. Le président de la Commission européenne, le Portugais Manuel Jose Barroso, a ensuite demandé par courrier à Viktor Orban de renoncer à sa réforme, lettre restée jusqu'à présent sans réponse.
Malgré le départ des délégations du FMI et de l'UE, le gouvernement s'en tient à l'affirmation que des négociations "formelles" sur les nouvelles aides doivent débuter en janvier 2012.
Or, le temps presse. L'abaissement de la Hongrie en catégorie "spéculative" a affecté jeudi une vente d'obligations d'Etat: les taux d'intérêt des bons d'Etat à douze mois ont grimpé de 7,29% il y a deux semaines à 7,91%. De plus, Budapest n'a trouvé acquéreur que pour 30 milliards de forints (98 millions d'euros) par rapport à l'objectif de 40 milliards (131 millions d'euros).
Les analystes financiers considèrent qu'un taux d'intérêt de plus de 7% pour les obligations d'Etat est insoutenable sur le long terme, rendant aléatoire le remboursement.
Après l'agence de notation Moody's, Standard & Poors a fustigé le plan de réforme de la Banque centrale hongroise, invoquant "des politiques publiques imprévisibles qui soulèvent des questions sur l'indépendance des institutions de régulation et compliquent l'environnement dans lequel évoluent les investisseurs".
La dégradation est due à "une pression des acteurs des marchés, dont le but est de renforcer la zone dollar au détriment de la zone euro", a rétorqué le ministère de l'Economie.
A l'appui de sa thèse, le ministère a souligné "les solides bases de l'économie" hongroise: le budget 2011 est excédentaire et, contrairement à de nombreux pays de l'UE, le déficit public en 2012 sera en-dessous de la barre des 3% du Produit intérieur brut (PIB) fixée par l'UE.
Mais pour Gyorgy Barta, analyste à la banque CIB, filiale de la banque italienne Intensa Sanpaolo, "la politique économique non-orthodoxe du gouvernement va à l'encontre des lois du marché et le manque de flexibilité envers les organisations internationales est extrêmement nuisible à l'image du pays à l'étranger".
Au nom d'un concept de son cru, "la souveraineté économique", Viktor Orban a aussi nationalisé les caisses de retraite privées et imposé des taxes élevées aux banques, au secteur énergétique et à celui des télécommunications.
Le gouvernement Orban est également sous le feu des critiques pour une loi controversée sur les médias, qualifiée de "liberticide" par ses détracteurs, une nouvelle Constitution aux accents très nationalistes, une nouvelle loi électorale sur mesure pour le parti au pouvoir, le Fidesz, et des réformes dans le domaine de la justice.