Les Etats-Unis et l'Inde, qui se présentent comme "les plus grandes démocraties du monde", ont renforcé mardi leur partenariat diplomatique et économique tout en niant vouloir contrebalancer la puissance de la Chine en Asie.
Les chefs de la diplomatie John Kerry et Sushma Swaraj, flanqués des ministres du Commerce Penny Pritzker et Nirmala Sitharaman, ont tenu toute la journée un "dialogue stratégique et commercial" pour parler "d'antiterrorisme, de sécurité maritime dans l'océan Indien et en mer de Chine méridionale, des défis en Asie du Sud, de non prolifération nucléaire et de changement climatique", a égrainé M. Kerry.
Les deux gouvernements tiennent depuis des années un forum "stratégique" annuel mais Barack Obama et le Premier ministre Narendra Modi avaient décidé d'y ajouter un volet économique, lors de la visite en janvier à New Delhi du président américain.
"Le niveau de coopération est impressionnant et en expansion", a lancé John Kerry devant la presse, qualifiant "la relation Etats-Unis/Inde" de "point lumineux sur la scène internationale et l'une des plus importantes relations bilatérales dans le monde".
Il n'a pas manqué non plus de proclamer que l'Inde était "la plus grande démocratie du monde" et qu'elle formait avec l'Amérique le couple "des plus vieilles démocraties" de la planète.
Son homologue indienne, Mme Swaraj, s'est félicitée des "piliers fondamentaux de notre partenariat stratégique: valeurs communes de démocratie, liberté d'expression et Etat de droit".
Il y a toutefois eu peu d'annonces concrètes majeures.
Mme Pritzker a confirmé une information de New Delhi concernant l'achat par l'Inde à l'avionneur Boeing (NYSE:BA) de 37 hélicoptères militaires pour 2,5 milliards de dollars.
- "500 milliards de dollars d'échanges" -
Au plan commercial, M. Kerry a réaffirmé "l'objectif de 500 milliards de dollars d'échanges" annuels entre les deux géants économiques, soit cinq fois plus que le volume actuel de 100 milliards et, surtout, avec l'ambition de se hisser au niveau des échanges commerciaux entre les Etats-Unis et la Chine.
Washington et New Delhi vont aussi "accélérer" leur "coopération contre la menace terroriste", qui a changé de dimension depuis les attentats de Bombay en novembre 2008, selon Mme Swaraj.
La ministre indienne a aussi reconnu que "le changement climatique était l'une des questions les plus urgentes de notre temps" et que les deux pays maintiendraient une "étroite collaboration" en vue de la conférence de Paris en décembre.
Au plan stratégique, les Etats-Unis et l'Inde se sont bien défendus de manoeuvrer contre le rival chinois.
"Ces réunions n'ont rien à voir avec la Chine. Nous n'avons pas mentionné la Chine", a rétorqué John Kerry, interrogé sur un éventuel dessein américano-indien de contrecarrer l'influence de Pékin en Asie.
Pourtant, bien qu'il n'ait effectivement jamais parlé explicitement de la Chine, le secrétaire d'Etat a cité la mer de Chine méridionale, théâtre maritime de fortes tensions entre Pékin et ses voisins asiatiques: les Etats-Unis et l'Inde, a-t-il mis en garde, ont "renouvelé (leur) engagement commun pour la sécurité maritime, le droit international et la résolution pacifique des contentieux en Asie-Pacifique et dans l'océan Indien".
Une experte du groupe de réflexion Brookings, Tanvi Madan, pense d'ailleurs que ce sont les ambitions de Pékin en Asie qui façonnent le partenariat Washington-New Delhi: "Sans la Chine (qu'elle soit citée) implicitement ou explicitement, la relation Etats-Unis/Inde ne serait pas là où elle en est aujourd'hui", analyse-t-elle sur Twitter.
Les relations n'ont pas toujours été au beau fixe.
Washington et New Delhi se sont longtemps méfiés l'un de l'autre durant la Guerre froide, lorsque l'Inde, non alignée, penchait vers l'URSS et que les Etats-Unis étaient alliés du Pakistan. L'administration américaine avait aussi été en première ligne pour sanctionner l'Inde lors de ses essais nucléaires en 1998, la projetant au rang de puissance atomique militaire.
Mais les deux pays se sont spectaculairement rapprochés dans les années 2000, sous la présidence du républicain George W. Bush, à la faveur d'un accord bilatéral sur le nucléaire civil, lequel reste cependant lettre morte.
Le chef du gouvernement indien est attendu en fin de semaine à New York pour l'Assemblée générale de l'ONU, où il devrait rencontrer de nouveau le président Barack Obama, a confirmé M. Kerry. M. Modi doit se rendre ensuite en Californie pour voir des dirigeants de géants de la Silicon Valley, comme Google (NASDAQ:GOOGL), Facebook (NASDAQ:FB) ou Cisco.