La livre sterling, dont la faiblesse arrange Londres, échappe au tourbillon qui secoue le marché des changes, les variations de la monnaie britannique restant avant tout liées à l'état de l'économie du pays, selon les experts.
Contrairement à la plupart des autres grandes monnaies mondiales, la livre britannique ne s'apprécie pas avec l'affaiblissement du billet vert, qui a encore chuté ces derniers jours à la perspective de mesures prochaines de soutien à la première économie mondiale par la Réserve fédérale américaine (Fed).
"La seule devise actuellement plus faible que la livre est le dollar américain", note Adam Solomon, analyste de la maison de courtage TorFX.
Les "problèmes spécifiques au Royaume-Uni", dernier grand pays développé à être sorti de la récession et aujourd'hui confronté à des coupes budgétaires massives, devraient maintenir la livre sterling à de bas niveaux, expliquent les experts en devises de BNP Paribas.
Si la livre est montée la semaine dernière à son niveau le plus élevé depuis près de huit mois face au billet vert, elle reste faible face à un dollar lui-même en petite forme: elle a baissé de 3,5% sur un an face à la devise américaine, et de 20% depuis début 2007. Et sa remontée ne semble pas pour demain.
Vers 12H00 GMT (14H00 à Paris) mardi, la livre était orientée à la baisse, s'échangeant à 1,5756 dollar et 1,1360 euro. L'annonce attendue mercredi du détail des coupes budgétaires, qui pèseront sur l'emploi et la consommation, "contribue à affaiblir encore la livre", notait Kathleen Brooks, de Forex.com.
Plus généralement, "les fondamentaux de l'économie du Royaume-Uni continuent de se détériorer, ce qui devrait pousser la Banque d'Angleterre (BoE) et le gouvernement à réviser à la baisse leurs prévisions de croissance" pour le pays, expliquent les analystes de BNP Paribas.
"Les derniers indicateurs économiques suggèrent que la reprise britannique perd de l'élan à un rythme inquiétant", commente pour sa part Adam Solomon.
En conséquence, les spéculations vont bon train sur une prochaine relance par la BoE de son programme de rachats d'actifs (dit d'"assouplissement quantitatif") pour éviter une rechute de l'économie et contrer les effets du programme d'austérité budgétaire sans précédent concocté par le nouveau gouvernement.
Une telle politique d'injection de liquidités, qui ressemblerait à celle de la Fed, contribuerait à maintenir la livre à de bas niveaux.
Pour de nombreux pays, l'affaiblissement du dollar est néfaste car il renforce leur monnaie et rend moins compétitives leurs exportations, moteur de leur reprise dans un contexte économique mondial qui reste difficile.
Ces mouvements alimentent les tensions sur le marché des devises et les craintes d'une "guerre des changes", un tableau dont la livre paraît absente contrairement par exemple à l'euro qui subit de plein fouet les retombées du bras de fer entre la Chine et les Etats-Unis sur leur monnaie respective.
Le paradoxe britannique, souvent souligné par les économistes qui y voient un signe particulièrement inquiétant, c'est que la faiblesse de la livre ne profite pas aux exportations.
Le déficit commercial du pays a atteint cet été un record absolu (8,7 milliards de livres pour le seul mois de juillet), à la surprise de certains experts qui ont même parlé d'une performance "désespérante".
C'est en grande partie la conséquence d'une économie qui ne repose plus sur l'industrie lourde, comme l'Allemagne, et qui aurait pu profiter à plein d'un avantage compétitif à l'exportation grâce à une monnaie faible.
En Grande-Bretagne, le secteur des services représente à lui seul plus de 70% du produit intérieur brut britannique et reste en grande partie à la merci d'une reprise mondiale chancelante, notamment dans la zone euro.