L'Europe a accentué la pression mardi sur la Chine pour qu'elle laisse sa monnaie s'apprécier, au dernier jour d'un sommet entre l'UE et l'Asie et alors que la crainte d'une "guerre des changes" mondiale s'accentue face à la crise économique.
Les trois principaux responsables économiques européens -- le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker, le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, et le commissaire européen aux Affaires monétaires, Olli Rehn, -- ont invité fermement Pékin à plus de flexibilité du taux de change du yuan, à l'issue d'une rencontre avec le Premier ministre chinois Wen Jiabao à Bruxelles.
Ils ont demandé une appréciation "significative" du yuan, a déclaré M. Juncker, reconnaissant ouvertement un hiatus avec Pékin sur le sujet. "Les autorités chinoises ne partagent pas notre appréciation", a-t-il convenu.
La veille, dès l'ouverture du sommet des principaux pays d'Asie et d'Europe (Asem), M. Wen avait poliment renvoyé les cordes les Occidentaux, qui soupçonnent Pékin de faire de la dévaluation compétitive pour doper ses exportations et sa croissance.
La chancelière allemande, Angela Merkel, a enfoncé le clou mardi en affirmant, à propos de la Chine, que "les taux de change devaient être le plus réalistes possibles".
Et le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, a jugé "difficile d'affirmer que la sous-évaluation de cette devise (le yuan) n'a pas d'effets sur les flux commerciaux", dans une interview au quotidien Le Monde. "Tôt ou tard les Chinois devront réévaluer leur monnaie pour des raisons internes", a-t-il ajouté.
Cette confrontation feutrée devrait se poursuivre mercredi à l'occasion d'un sommet UE-Chine prévue à Bruxelles.
De fait, l'inquiétude grandit dans le monde face à l'impression que les grandes puissances sont engagées dans une "guerre des changes" pour affaiblir leurs devises respectives afin d'exporter davantage.
Ce risque, souligné par le FMI, affecte particulièrement l'euro qui, contrairement au yuan ou au dollar, gagne en vigueur alors même que l'Union monétaire traverse une grave crise de confiance suite aux problèmes de la Grèce et à présent de l'Irlande. D'où l'insistance des dirigeants européens mardi.
Cette situation pourrait accroître les tentations protectionnistes, mettent en outre en garde des économistes.
Face à cette situation, le chef de l'Etat français Nicolas Sarkozy a plaidé à Bruxelles pour un "nouvel ordre monétaire" mondial, en vue de la présidence du G20 qu'il assumera à partir du 12 novembre. Un haut responsable allemand a toutefois jugée l'idée "floue" à ce stade.
Malgré les échanges aigre-doux sur les changes, le sommet de l'Asem (Asia Europe Meeting) s'est achevé par un communiqué consensuel d'une vingtaine de pages qui se garde d'évoquer le sujet.
Le texte adopté par 46 pays représentant 58% de la population mondiale, souhaite un accord global "contraignant" sur le climat, à deux mois de la conférence de l'ONU de Cancun. Mais il ne fixe aucune date-butoir ou calendrier pour y parvenir.
Il appelle aussi à une réforme du FMI, qui se réunit à Washington en fin de semaine, pour donner davantage de place aux nations émergentes.
La question des droits de l'Homme a elle été à peine abordée lors du sommet, si ce n'est pour appeler à des élections véritablement "libres" en Birmanie, dont un représentant de la junte au pouvoir a participé à la réunion.