Ben Bernanke a défendu jeudi à Washington son action à la tête de la Réserve fédérale des Etats-Unis (Fed), dans une ambiance feutrée, parfois tendue, devant la Commission bancaire du Sénat chargée de valider sa reconduction à ce poste pour quatre ans.
M. Bernanke a reçu dès le départ l'adoubement du président de la commission, Christopher Dodd, mais celui-ci et la quasi-totalité des sénateurs présents ont critiqué, avec virulence parfois, son bilan en matière de régulation bancaire.
Le chef de la Fed est acclamé d'une manière générale pour avoir sauvé l'économie américaine de l'effondrement en ayant répondu très rapidement à la crise financière et en engageant la banque centrale dans une politique de soutien à l'économie sans précédent.
C'est à ce titre que le président américain Barack Obama a décidé de reconduire pour quatre ans à la tête de la Fed cet ancien professeur d'économie de l'université de Princeton qui avait pris les rênes de la banque centrale en février 2006 sous la présidence de George Bush.
Malgré cela, M. Bernanke reste impopulaire, et, alors que le chômage atteint 10,2%, les Américains lui reprochent volontiers d'avoir sauvé les grandes banques tenues pour responsables de la crise plus que les emplois.
Au Capitole, il concentre sur sa personne les accusations d'élus de toutes tendances qui lui reprochent de n'avoir rien vu venir de la crise, quand ils ne l'accusent pas de dépenser sans compter l'argent public, voire, comme certains républicains, d'avoir trahi l'esprit du capitalisme en volant au secours des banques.
Devançant les critiques, M. Bernanke a assuré dans sa déposition que la Fed n'était pas une filiale de Wall Street ou du gouvernement, mais que sa structure même lui permettait de rester informée de ce que vit "l'ensemble des Américains".
La tâche de remettre l'économie américaine sur pied est "loin d'être accomplie" et le chômage, notamment, est encore beaucoup trop élevé, a-t-il reconnu, mais le résultat de la crise aurait pu être "nettement pire" sans l'action de la Fed et des pouvoirs publics.
A l'invitation du sénateur démocrate Evan Bayh, M. Bernanke a fait amende honorable: "Nous avons été lents en matière de protection des consommateurs", "nous aurions dû exiger plus" des banques, "je n'avais pas prévu une crise de cette intensité", a-t-il déclaré.
Acerbe, le sénateur républicain Jim DeMint a lu en séance une litanie de pronostics rassurants sur l'état de l'économie formulés à l'époque par M. Bernanke et contredits de manière flagrante par la crise.
A son habitude, le chef de la Fed a écouté ses détracteurs sans mot dire, comme lorsque le républicain Jim Bunning, le seul qui s'était opposé à sa nomination en 2005 - ce qu'il a rappelé fièrement - l'a accusé de collusion avec les "nantis".
Qualifiant M. Bernanke d'"incompétent", M. Bunning a promis de faire tout son possible pour le "renvoyer à Princeton".
Malgré les critiques dures dont il a fait l'objet pendant une audition de plus de quatre heures, M. Bernanke devrait être confirmé par la commission (aucune date n'a encore été fixée pour le vote), ce qui devrait favoriser ensuite l'aval du Sénat dans son ensemble.
Pour M. Bernanke cependant, le plus dur reste à venir: préserver les pouvoirs de la Fed, que M. Dodd veut réduire à la portion congrue, et il a profité de l'audition pour mettre en garde une nouvelle fois contre le risque d'une réforme qui ferait perdre à la Fed "son efficacité".