La construction de logements neufs a accentué son recul au cours des trois derniers mois en France en raison de la conjoncture économique dégradée et de dispositifs moins incitatifs, ne laissant guère espérer d'éclaircie avant 2014.
"Tous les éléments de la construction sont dégradés et attestent d'un mauvais début d'année", explique Michel Mouillart, professeur d'économie à l'Université Paris-Ouest.
"On observe une accélération de la décroissance. Les trois derniers mois sont épouvantables et viennent amplifier le mouvement de recul qui s'observe depuis un an déjà", poursuit cet expert du secteur immobilier.
Au cours des trois mois allant de décembre 2012 à février 2013, les mises en chantier de logements neufs ont reculé de 22% par rapport à la même période un an plus tôt, à 77.113 unités, selon les statistiques du ministère du Logement publiées mardi.
Le recul s'accentue puisque sur douze mois, soit de mars 2012 à février 2013, les mises en chantier de logements neufs sont en retrait de 19,6% à 295.345 unités, par rapport à la même période un an auparavant.
"Les fondamentaux qui expliquent ce recul sont de deux ordres", explique Michel Mouillart: "la demande est paralysée en raison de la montée du chômage, de la perte du pouvoir d'achat et des risques de récession qui pèsent sur le moral des ménages. Or, dans ces conditions, ces derniers s'engagent peu sur des projets à long terme comme l'immobilier".
"Deuxièmement, les soutiens publics à une partie du secteur de la construction font défaut ou ont été sérieusement révisés", poursuit-il, comme le recalibrage du PTZ+ (prêt à taux zéro) et le dispositif Duflot pour l'investissement locatif, qui remplace le dispositif Scellier mais "peine à répondre aux besoins des constructeurs".
Trou noir pour les maisons individuelles
La situation est particulièrement critique pour les maisons individuelles, dont les mises en chantier chutent fortement (-24,8%) au cours des trois derniers mois (décembre 2012-février 2013) par rapport à la même période l'an dernier, à seulement 24.590 unités.
"Le début d'année confirme le recul de l'activité de la construction, mais avec une nouveauté qui est la grosse panne dans le secteur de la maison individuelle", pointe ainsi Michel Mouillart. Cela s'explique selon lui par "le passage à la RT 2012, les nouvelles normes d'isolation de constructions imposées depuis le début année, et le nouveau durcissement du prêt à taux zéro".
"Depuis le début de l'année, l'accession à la propriété privée est en train de plonger. 2012 n'avait pas été bon, 2013 s'annonce encore plus mauvais", résume-t-il.
Déjà en fort recul, le secteur de la construction ne devrait pas connaître d'amélioration significative au cours des mois qui viennent puisque les nouveaux permis de construire pour des logements neufs, qui représentent les mises en chantier de demain, voient eux aussi leur baisse s'accélérer. Ils chutent ainsi de 13% au cours des trois derniers mois (décembre 2012-février 2013), à 101.835 unités, contre une baisse de 7,4% à 430.364 unités sur les douze derniers mois.
"Ces mouvements lourds montrent une décrue de la construction qui va probablement se poursuivre sur l'année 2013 et sur le début 2014", prédit Michel Mouillart, pour qui il ne faut pas s'attendre à un rétablissement du secteur avant 2014.
"Les statistiques des deux premiers mois de l'année confirment qu'en 2013, on va être en dessous des 280.000 logements commencés en 2013 en construction neuve, contre 304.200 en 2012", poursuit-il en rappelant qu'"il faut remonter à 1998 avec 273.700 unités pour trouver une année aussi mauvaise.