Attaqués sur le secret bancaire, les établissements financiers suisses veulent désormais se concentrer sur l'argent fiscalement "propre", rompant avec une longue tradition d'accueil des avoirs issus de l'évasion fiscale.
"Il existe une tendance mondiale dans la gestion de fortune allant vers l'argent déclaré" auprès du fisc, a estimé dans un entretien à l'AFP Urs Roth, le patron de la puissante Association suisse des banquiers (ASB).
"Nous voulons nous positionner" sur cette tendance, a précisé le président exécutif de l'ASB, ajoutant que l'association a d'ores et déjà soumis une proposition au gouvernement helvétique.
Dans son projet, l'ASB souhaite notamment taxer les capitaux entreposés dans les coffres-forts helvétiques, mais toujours "en protégeant l'identité des clients", souligne M. Roth.
Car pour l'instant, dans le cadre des accords avec l'Union européenne, la Suisse ne taxe que les revenus de l'épargne de ses clients étrangers. Cet impôt est partiellement reversé au pays du ressortissant. Le procédé est totalement anonyme et ne révèle pas l'identité du dépositaire.
La Suisse où le secret bancaire est pratiqué depuis la fin du XIXe siècle, a cédé en mars à la pression des grands pays européens et des Etats-Unis et l'a assoupli.
La Confédération qui était inscrite jusqu'en septembre sur la liste grise des paradis fiscaux de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a signé cette année une série d'accords avec des pays partenaires permettant l'échange d'informations fiscales au cas par cas, ce qui lui a permis d'être "blanchie".
Un pays soupçonnant un de ses citoyens de frauder le fisc peut ainsi demander aux autorités helvétiques de communiquer les détails bancaires, une opération jusqu'alors impossible.
Les grands établissements financiers suisses reviennent quant à eux de loin. Après avoir subi la tempête de la crise financière -- qui a failli faire chavirer la plus importante banque du pays, UBS --, ils ont subi les remous des attaques contre le secret bancaire, leur fonds de commerce.
Les banques s'en sont sorties avec des fortunes diverses. Credit Suisse, deuxième établissement du pays, a réalisé un troisième trimestre consécutif dans le vert avec un bénéfice net de 2,4 milliards de francs suisses (CHF) entre juillet et septembre et de forts afflux de capitaux, signe de confiance des clients.
En revanche, sa rivale UBS continue de souffrir, même si elle a ramené au troisième trimestre sa perte nette à 564 millions CHF. La banque zurichoise subit toujours des reflux massifs de capitaux, conséquence notamment de ses déboires judiciaires aux Etats-Unis où elle a été obligée de révéler l'identité de ses clients soupçonnés de fraude fiscale.
Mais malgré les difficultés de la place financière helvétique, la septième au niveau mondial, les banques sont loin d'avoir perdu de leur attrait auprès des riches.
"La gestion de fortune ne va pas disparaître parce que les gens vont continuer à investir leurs avoirs mais la nature de l'activité risque de changer", estime Christian Scarafia, analyste chez Fitch.
Pour ce dernier, "les banques suisses se trouvent dans une bonne situation comparé à certains de leurs concurrents" car elles ont investi depuis quelques années dans la présence "onshore" (sur place) dans de nombreux pays et peuvent ainsi surmonter sans trop de difficulté la fin des services "offshore", qui permettaient de placer l'argent en Suisse à l'abri du fisc.