Mobilisés depuis des semaines pour défendre leur pouvoir d'achat, les agriculteurs français voient cette détérioration se confirmer par les chiffres, avec une baisse de 20% de leurs revenus en 2008, selon les données publiées mercredi par le ministère de l'Agriculture.
Cette dégringolade, due en grande partie à la hausse des charges (engrais, gazole, alimentation pour animaux..), est supérieure aux premières estimations officielles de décembre dernier.
Dans les comptes prévisionnels de l'Agriculture, le recul était alors estimé à 15%. Depuis les données ont été affinées pour aboutir à une baisse de 20%.
La quasi totalité des productions --à l'exception de l'élevage laitier mais qui a replongé depuis-- sont affectées par ce recul. De même toutes les régions sont dans le rouge. Hormis la Basse-Normandie, région laitière, qui avec un modeste 3% est la seule à tirer son épingle du jeu.
Cette chute est d'autant plus brutale qu'elle intervient après deux années fastes, au moins pour certaines filières. En 2006 et 2007, le revenu moyen des agriculteurs avait augmenté de 15% et 12%.
Les Chambres d'agriculture s'inquiètent de cette "dégradation", due à la crise économique mondiale, et qui aboutit à "un décrochage particulièrement fort du revenu agricole par rapport au revenu moyen des ménages".
Pour la FNSEA, premier syndicat agricole, c'est "le grand bond en arrière". Et, selon la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), la situation pour 2009 "ne fait que confirmer cette tendance".
La Coordination rurale souligne que le revenu 2008 a enregistré un recul de 15 ans pour atteindre celui de 1994 tandis que pour la Confédération paysanne cette baisse équivaut à un "hold-up de 3,1 milliards d'euros dans la caisse des paysans".
Inquiets de la volatilité des marchés et du futur de la politique agricole commune (PAC) dont la France est le premier bénéficiaire, les agriculteurs ont encore manifesté ces dernières semaines pour défendre leur pouvoir d'achat.
En tête des protestataires, les producteurs laitiers. En 2008, ils ont certes bénéficié d'une hausse de leur revenu (21%) grâce à une augmentation des prix du lait (16%).
Mais cette embellie n'aura duré que quelques mois, les prix étant désormais à la baisse. En 2009, leur revenu devrait être inférieur de 26 à 40% à celui de 2007, selon les Chambres d'agriculture.
Les exploitations céréalières, de colza ou encore de tournesol plongent de 30%, après une année 2007 très favorable grâce à la flambée des prix des matières premières agricoles.
Le revenu des viticulteurs est également en chute libre, de 22% pour les vins d'appellation et de 35% pour les vins de table.
Le Languedoc-Roussillon, où de nombreuses vignes ont été arrachées dans le cadre d'un plan d'amélioration de la production, enregistre la baisse des revenus la plus importante (-61%) de toutes les régions françaises.
Même l'Aquitaine enregistre un recul historique (-57%), son plus bas niveau depuis le début des années 1990.
Les producteurs de viande bovine, perturbés par les effets de la fièvre catarrhale ovine (FCO), sont aussi à la peine (-24%).
Le revenu des exploitations ovines s'améliore de 4%, grâce à des prix en hausse et aux subventions exceptionnelles qui ont permis une amélioration du revenu, même si ce dernier reste encore très bas.
Les producteurs de volailles et de porcs enregistrent une légère amélioration de leurs revenus (2%) grâce à une augmentation des prix.
Après une année 2007 déjà en net recul, le revenu des exploitations d'arboriculture décroche (-37%) en 2008 tandis que celui des maraîchers et des horticulteurs baisse de 15%.