Le tribunal correctionnel de Bruxelles a jugé mardi irrecevables les poursuites engagées contre les banques KBC et KB Lux, accusées de la plus grosse fraude fiscale de l'histoire de la Belgique, estimant que les enquêteurs avaient grossièrement bafoué les droits de la défense.
Les poursuites engagées (fraude fiscale, faux et usage de faux) sont "irrecevables", a déclaré le président du tribunal, Pierre Hendrickx, en concluant un jugement qui porte un coup terrible à la crédibilité de la justice belge.
Reconnaissant la "gravité exceptionnelle" des accusations de fraude portées depuis plus de 13 ans contre 11 responsables de la banque belge KBC et de sa filiale KB Lux, et contre trois de leurs anciens clients, le tribunal a toutefois estimé qu'elles ne peuvent justifier les nombreuses atteintes aux droit de la défense constatées dans ce dossier.
Dès le début de l'enquête, au milieu des années 1990, la police judiciaire de Bruxelles a tenté de "faire entrer de manière illicite" dans la procédure 2.995 pièces à conviction à l'origine pour le moins douteuse, a relevé le tribunal, suivant les arguments développés depuis des années par la défense.
Pour éviter de voir leur enquête s'effondrer, les policiers, vraisemblablement avec l'aide ou l'assentiment du parquet et du juge d'instruction, ont notamment omis de dresser le procès verbal d'une "perquisition" qui leur avait permis d'obtenir des fichiers discutables.
Il s'agissait de listes de comptes secrets au Luxembourg appartenant à des ressortissants belges, mais volées par des employés indélicats de KB Lux. A ce titre, elles pouvaient être disqualifiées.
Pour "blanchir" les documents, qui n'avaient pas été répertoriés correctement, ils ont ensuite mis en scène la remise de ces mêmes pièces par leur indicateur, négligeant de spécifier qu'elles avaient une origine douteuse.
En se fondant sur ces documents, l'enquête avait mis au jour du "démarchage" de riches industriels belges, la constitution de trusts dans des paradis fiscaux, le but de KBC et de KB Lux étant d'aider leurs clients à frauder le fisc.
Bien que légitime, et même si les règles de l'époque en matière de recevabilité des preuves peuvent être considérées comme trop rigides, le démantèlement de cette énorme fraude fiscale présumée ne justifiait pas d'employer de tels moyens "déloyaux" à l'égard des accusés, a souligné le tribunal.
Le parquet n'a "pas réussi à démontrer" pour sa part que la procédure était régulière, a ajouté le président, épinglant "le plus complet mépris pour la procédure et le respect des droits de la défense" de la part des enquêteurs.
En 1999, 19.000 contribuables belges qui avaient dissimulé 750 millions d'euros ont subi un redressement fiscal, mais les banquiers accusés de les avoir aidés sont maintenant à l'abri de toute poursuite, sous réserve d'appel du parquet.