Les grandes entreprises françaises ont surmonté la crise avec une explosion de leurs profits en 2010, au détriment des investissements et de l'emploi en France, selon des économistes, et la tendance devrait se poursuivre si les prix des matières premières ne l'enrayent pas.
"La crise est complètement digérée pour les grosses entreprises", résume à l'AFP Alexandre Law, économiste au cabinet Xerfi.
En 2010, les quarante plus grosses capitalisations boursières françaises, regroupées au sein de l'indice vedette de la Bourse de Paris, le CAC 40, ont effacé quasiment le creux de la crise financière.
Hors Alstom et Pernod Ricard dont les résultats annuels ne sont pas connus (elles ont un exercice annuel décalé), elles ont dégagé des bénéfices cumulés de 80,373 milliards d'euros, en hausse de plus de 70% par rapport à 2009 mais loin du record de 101,4 milliards d'euros établi en 2007.
Le chiffre d'affaire cumulé a augmenté de 6% à 1.243,54 milliards d'euros. Fortes de cette situation florissante, les multinationales françaises vont distribuer des dividendes d'environ 40 milliards d'euros à leurs actionnaires.
La plupart des secteurs ont tiré leur épingle du jeu avec une palme spéciale à l'automobile où les deux constructeurs Renault et PSA ont dépassé leurs bénéfices d'avant crise.
Le secteur financier, à l'origine de la crise, témoigne de la santé retrouvée: les banques Société Générale, BNP Paribas, Natixis, Crédit Agricole et l'assureur Axa ont dégagé plus de 17 milliards d'euros de bénéfices.
La santé avec Sanofi-Aventis -entreprise la plus profitable- et le luxe (LVMH, PPR) ont affiché des résultats très solides. Dans l'industrie, le constructeur aéronautique EADS est repassé dans le vert.
Seul dans le rouge, Alcatel Lucent a affiché une perte de 334 millions d'euros témoignant d'un secteur informatique un peu en retrait.
Mais la bonne santé de ces entreprises du CAC 40 ne reflète pas "la santé de l'économie française", met en garde Mathieu Plane de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), énumérant un fort taux de chômage et des perspectives de croissance médiocres.
Car elles réalisent "la grande partie de leurs bénéfices hors de France", souligne-t-il. Et surtout dans les pays émergents, dont les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), en forte croissance où elles sont fortement présentes.
La croissance des profits des multinationales va d'ailleurs se poursuivre cette année, voire s'accélérer.
"Nous prévoyons une hausse d'environ un tiers de leurs bénéfices par rapport à 2010", confie Alexandre Law.
Reste que "pour préserver leurs profits, les grandes entreprises ont fortement amorti sur l'emploi et bloqué leurs investissements", fait remarquer Karine Berger, économiste chez Euler Hermès.
Ils ont reculé en volume et une reprise n'est pas attendue avant la fin de l'année voire 2012, souligne Alexandre Law.
Or ces investissements (construction d'usines, augmentation des capacités de production...) sont synonymes de créations d'emploi.
"Ce ne sont pas les grandes entreprises qui vont permettre de baisser le taux de chômage en France", estime M. Plane, car "c'est très clairement dans les pays émergents où elles ont des débouchés dynamiques qu'elles vont créer de l'emploi".
Et des inconnues demeurent: la flambée des prix des matières premières et les incertitudes géopolitiques au Moyen-Orient qui pourraient gripper le redressement économique mondial.
"Si le prix du baril de pétrole reste à 100 dollars en moyenne pendant six mois, les profits du CAC 40 seront en danger", prévient Karine Berger.