La filière du luxe emploie plus de 100.000 personnes en France, un pays qui dispose d'un savoir-faire unique qu'il faut aujourd'hui pérenniser, avec des formations adaptées et en relevant le défi de la transmission des entreprises dans le secteur, selon une table ronde lundi.
"Il y a cinq ans, nous étions arrivés à une estimation de 100.000 emplois au minimum. Cette situation ne doit pas avoir beaucoup changé car les emplois perdus chez les façonniers du textile ont été compensés par ceux créés grâce à l'essor de la maroquinerie", a déclaré Emilie Piette, sous-directrice de la mode, du luxe, des biens de consommation et du design au Ministère de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi.
Elle s'exprimait lors du 11e Sommet du Luxe et de la Création, une série de tables rondes organisées lundi sur les problématiques du secteur du luxe, où la France excelle, avec son lot de grands noms, tels Louis Vuitton, Hermès, Chanel..., et de petites pépites.
Julie El Ghouzzi, la directrice du Centre du Luxe et de la Création, a souligné le paradoxe du secteur du luxe français, qui brille mondialement mais où "il existe une myriade de petits acteurs dont on ne sait pas comment ils vont, comment ils fonctionnent".
Parmi les problématiques du luxe en France, figure la question de la transmission des savoir-faire en matière de métiers d'art: le travail, par exemple, des "petites mains" dans les ateliers des maisons de luxe, celles qui tissent, piquent, laquent, assemblent, etc.
Plusieurs participants ont plaidé pour la création d'une filière de formation aux métiers d'art, mais aussi à ceux du luxe, qui aille jusqu'à l'université. La création d'un master de métiers d'art est à l'étude. Jacques Carles, le président du Centre du Luxe et de la Création, a déploré qu'"on appréhende l'apprentissage en France comme une chute sociale".
Les intervenants ont insisté sur la nécessité de "conserver les savoir-faire en France", mais certains ont objecté qu'il faut savoir parfois délocaliser "intelligemment" pour rester compétitif.
"Il faut réfléchir, surtout quand on est une grande marque, car ces décisions de localisation ont un impact sur l'ensemble de la filière", a insisté Mme Piette.
A ses yeux, "l'un des effets bénéfiques de la crise de 2008 a été la prise de conscience de ces savoir-faire spécifiques qui font partie de l'ADN des maisons de luxe", et que celles-ci mettent aujourd'hui en avant.
La crise de 2008 a aussi permis de "nettoyer le marché du luxe", où avaient fleuri "des hamburgers +luxe+, des produits pour chiens +luxe+.... La crise de 2008 a permis d'arrêter cette phase de dérives", a jugé pour sa part Anne Dellière, directrice des services marketing du groupe de luxe Richemont.
Selon Emilie Piette, l'un des "enjeux importants" du secteur est "la transmission d'entreprises dans les métiers du luxe, pour les grandes comme pour les petites. Sur 210 entreprises de métiers d'art dans la région de Paris, il y en a 170 qui veulent passer la main dans les cinq ans".
La Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) a ainsi lancé une initiative pour "accompagner les chefs d'entreprise dans leur projet de passer la main", un accompagnement qui se traduit "dans les démarches et dans la recherche de repreneurs", a expliqué Mme Piette.
Jean-Michel Delisle, PDG des luminaires du même nom et président de l'Institut National des Métiers d'Art, a souligné qu'"il y a 217 métiers d'art, presqu'autant que de fromages". "Le monde du luxe est un baobab riche, mais qui cache un désert", a-t-il dit: "95% des artisans d'art ont moins de 3 personnes qui travaillent pour eux, et ils ont du mal à en vivre".