Les magasins du groupe Casino qui possède plusieurs enseignes comme Monoprix, Franprix ou encore Leader Price sont si nombreux dans Paris intramuros qu'ils constituent un "obstacle à la concurrence", a estimé mercredi l'Autorité de la concurrence.
Si les consommateurs ont l'impression de disposer d'un choix important de magasins pour faire leurs achats alimentaires, il ne s'agit en fait que d'une "apparente diversité", comme le souligne l'Autorité de la concurrence, puisque l'essentiel de ces supérettes appartiennent à deux groupes: Casino et Carrefour.
Dans un avis publié mercredi, l'Autorité a fait le constat que le groupe Casino détenait, via ses différents réseaux sur Paris, une part de marché en surfaces supérieure à 61,7%.
Cela représente trois fois plus que son principal concurrent, Carrefour qui depuis la cession de Ed et Dia a vu sa part de marché redescendre à 12,5%.
Le groupe Casino, grâce notamment à sa participation dans Monoprix qu'il co-détient à parité avec les Galeries Lafayette, a mis la main sur plus de la moitié des magasins dans 54 quartiers sur les 80 répertoriés dans Paris et même sur plus de 80% dans 11 quartiers, relève l'Autorité.
En termes de chiffres d'affaires, la part de marché de Casino se situe entre 54 et 66% alors que celle de Carrefour se situe entre 10 et 20%.
Contestant les données de l'Autorité, Casino affirme que sa part de marché n'excède pas 38,5%, citant trois études.
Bruno Lasserre, président de l'Autorité, reconnait d'ailleurs que Casino n'est pas en situation d'abus de position dominante même si sa très forte présence constitue "un obstacle à la concurrence". Il souligne également "la réussite du groupe" et "ses mérites propres" pour avoir su miser sur le commerce de proximité.
Cependant, ce défaut de concurrence nuit au pouvoir d'achat, a observé l'Autorité.
Selon ses relevés, les prix affichés chez Franprix pour les produits de marques nationales sont supérieurs de 2 à 15% par rapport à ceux de la concurrence (Intermarché, Système U et G20).
En revanche, les prix des produits à marque de distributeurs (MDD) sont plus bas par rapport à ceux de Carrefour.
UFC-Que Choisir, qui a mené plusieurs enquêtes sur le sujet, a évalué le "préjudice" à 400 euros annuels par ménage client des magasins du groupe et a demandé dans un communiqué des "mesures pour libérer la concurrence".
Pour "fluidifier le marché" l'Autorité recommande à la Ville de Paris d'autoriser l'installation de "grands supermarchés, voire d'hypermarchés" dans des zones comme les Batignolles, dont une partie est en reconstruction.
L'Autorité réitère par ailleurs sa demande de supprimer la procédure d'autorisation administrative pour les commerces de plus de 1.000 mètres carrés. Objectif: faciliter l'implantation de grands supermarchés et d'hypermarchés, pour l'heure cantonnés à la périphérie de la capitale.
"Il ne faut pas surinterpréter" cet avis, a déclaré à l'AFP le secrétaire d'Etat au commerce, Frédéric Lefebvre, qui regrette que les hypermarchés aux portes de Paris et les marchés traditionnels notamment ne soient pas "comptabilisés".
"L'Autorité de la concurence reconnaît qu'il n'y a pas d'abus de position dominante", ajoute M. Lefebvre qui assure "que tous les textes existent dans la LME" permettant d'ouvrir des surfaces jusqu'à 1.000 m2 dans Paris intra-muros. "Il n'est pas nécessaire de changer la loi", ajoute-t-il, "il suffit d'appliquer la loi". Et, "la Ville de Paris n'a pas utilisé" les possibilités existantes, regrette-t-il.
Pour sa part, la Ville de Paris a appelé au renforcement des pouvoirs de l’Autorité pour "obliger l’acteur économique en situation de position dominante à céder une partie de ses actifs, et ainsi pouvoir réinsuffler un juste équilibre concurrentiel".