Ben Bernanke devait passer jeudi un examen de passage houleux devant la commission sénatoriale chargée de valider sa reconduction à la tête de la banque centrale américaine, sans que cela semble remettre en cause son maintien en poste.
L'audition de M. Bernanke devant la Commission bancaire du Sénat devait commencer à 10H00 (15H00 GMT) et pourrait tourner à la comparution.
Un certain nombre d'élus ne faisant pas mystère de leur aversion pour le chef de la Réserve fédérale semblent en effet déterminés à ne pas lui faciliter la tâche, même si la confirmation de M. Bernanke à la tête de la banque centrale, conformément au souhait du président Barack Obama, semble acquise.
Nommé à la tête de la Fed par le président George Bush fils pour un mandat de quatre ans, M. Bernanke a pris les rênes de la banque centrale en février 2006, pour succéder à Alan Greenspan. A l'époque, seul un membre de la Commission bancaire du Sénat, le républicain James Bunning, avait voté contre sa nomination.
M. Bunning, qui ne manque pas une occasion d'éreinter M. Bernanke quand celui-ci se retrouve en face de lui, se fera immanquablement entendre, mais il ne devrait plus être seul.
M. Bernanke concentre en effet sur sa personne les accusations de bien des élus de toutes tendances.
Pour nombre de républicains, comme Richard Shelby, vice-président de la Commission bancaire du Sénat, il n'est rien moins qu'un apostat qui a trahi leur foi dans l'économie de marché en volant au secours des banques ou de l'assureur AIG et en dépensant sans compter l'argent du contribuable.
Symbole à leurs yeux de cet Etat fédéral fort qu'ils honnissent, M. Bernanke est l'homme à abattre et il importe peu qu'il soit acclamé comme le sauveur de l'économie américaine du fait justement de l'intervention sans précédent de la banque centrale. Du côté démocrate, certains n'aiment guère cet homme nommé par un président républicain.
Des deux côtés, on lui reproche aussi les errements fatals de la Fed en matière de régulation bancaire, faute que l'intéressé a humblement reconnu à plusieurs reprises. L'interventionnisme de la banque centrale, d'abord en mars 2008, lors du sauvetage de la banque d'affaires Bear Stearns, puis tous azimuts au moment du pic de la crise financière a laissé un goût amer à nombre d'élus.
De fait, dans l'urgence de la crise, la Fed a travaillé main dans la main avec le gouvernement et a engagé des sommes colossales hors de tout contrôle législatif. Bien qu'il ait lui même déposé un projet de loi visant à réduire fortement les pouvoirs de la banque centrale, le président de la Commission bancaire du Sénat, Christopher Dodd, devrait voter en faveur de M. Bernanke, et la majorité requise devrait suivre.
M. Bernanke apparaît sans doute comme le mieux placé pour défaire l'oeuvre de son premier mandat et ramener sans à-coup la politique monétaire à un mode normal. Ce ne sera pas le moindre des défis qui se posent à lui, le pilotage de la sortie de crise s'annonçant de son propre aveu particulièrement délicat.
Et à côté de la volonté d'élus visant à dépouiller la Fed de sa substance, l'audition de M. Bernanke devant les sénateurs, aussi désagréable soit-elle, pourrait s'apparenter à une promenade de santé.
L'intéressé ne le sait que trop bien: il a publié samedi une tribune pour s'inquiéter d'"un certain nombre de propositions (qui) réduiraient de manière significative l'aptitude de la Réserve fédérale à accomplir ses fonctions essentielles".