PARIS (Reuters) - Les juges du pôle financier ont entendu jeudi une ex-collaboratrice de la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, sur l'organisation d'une coûteuse soirée autour d'Emmanuel Macron en 2016 à Las Vegas et lui ont accordé le statut de témoin assisté, a déclaré à Reuters son avocat.
Le président, alors ministre de l'Economie, avait été l'invité vedette de cette soirée de promotion de la "French Tech" sur laquelle le parquet de Paris a ouvert en juillet une information judiciaire pour favoritisme et recel de favoritisme.
Fabienne Bothy-Chesneau, ex-directrice de la communication de Business France, que dirigeait alors Muriel Pénicaud, avait été convoquée jeudi à 14h00 "en vue d'une mise en examen", a dit à Reuters son avocat, Me Bruno Quentin.
"Elle est ressortie avec le statut de témoin assisté", a-t-il ajouté, sans autre précision.
Fabienne Bothy-Chesneau est notamment l'un des auteurs d'un échange de mails sur l'organisation de cette soirée.
Muriel Pénicaud pourrait elle-même être entendue début octobre, dit-on de source proche du dossier. Mais les membres du gouvernement ne peuvent comparaître comme témoins qu'après autorisation du conseil des ministres. Cette disposition ne s'applique pas s'ils sont entendus comme témoin assisté.
Le Premier ministre, Edouard Philippe, a rappelé le 9 août la règle selon laquelle un ministre mis en examen devrait "démissionner immédiatement". Muriel Pénicaud a réaffirmé la semaine dernière être "extrêmement sereine".
Il est reproché à l'ex-patronne de l'établissement public chargé de promouvoir la France auprès des investisseurs étrangers d'avoir confié au groupe publicitaire Havas (PA:HAVA) l'organisation de cette soirée sans mise en concurrence.
Havas se défend de toute irrégularité, un accord cadre conclu avec BF en juin 2015, après un appel d'offre, lui permettant d'organiser ce type d'événement sans nouvelle mise en concurrence avec d'autres sociétés.
Havas a ainsi facturé à Business France 6,666 millions d'euros hors taxe sur 18 mois, dont 315.000 euros pour la soirée French Tech de Las Vegas.
Somme qui sera ramenée à 289.000 euros et que Business France ne règlera finalement qu'en mars 2017, après deux rapports commandés par Muriel Pénicaud à Ernst&Young.
Entretemps, le 11 décembre 2015, quelques jours avant la soirée de La Vegas, Fabienne Bothy-Chesneau avait en apparence évoqué des divergences sur son organisation dans un mail : "Muriel, briefée par nos soins, ne fait rien. Donc elle gèrera aussi quand la CdesC demandera des compte à BF."
Selon l'avocat de Muriel Pénicaud, Fabrice Dubest, "CdesC" ne désigne cependant pas la Cour des comptes, comme cela a pu être dit, mais, "avec une coquille typographique", la Caisse des dépôts, qui subventionne Business France.
Me Dubest fait également valoir que l'intégralité de ce courriel et de ceux qui le précèdent ne concerne pas les règles de passation des marchés publics mais des divergences entre administrations sur l'utilisation de logos.
(Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse et Elizabeth Pineau)