La Commission européenne va profiter de ses recommandations économiques lundi pour rendre son verdict sur le plan de rigueur français, un exercice périlleux une semaine après un scrutin qui a plus que jamais mis en évidence un sentiment antieuropéen.
La Commission doit faire le point sur les réformes mises en place dans les Etats membres depuis un an. A cette occasion, elle va décerner bons points et bonnets d'ânes, et délivrer une série de "conseils personnalisés".
Les recommandations seront ensuite discutées par les ministres des Finances des 28, puis avalisées lors du prochain sommet des chefs d'Etat et de gouvernement fin juin.
Sous intense pression pour assainir ses finances publiques et regagner en compétitivité, Paris sera l'objet de toutes les attentions lors de cet exercice qui a suscité des tensions avec Bruxelles par le passé.
L'an dernier, les demandes précises de l'exécutif européen (réforme des retraites, baisse du coût du travail, ouverture de professions réglementées) avaient provoqué une réaction assez vive du président François Hollande. "La Commission n'a pas à nous dicter ce que nous avons à faire", avait-il tempêté. "Elle a simplement à dire que la France doit rétablir ses comptes publics".
Entre-temps, la donne a changé. Sur le front économique, la France décroche vis-à-vis de ses partenaires, en premier lieu l'Allemagne, ce qui la met encore plus sous pression pour se réformer. La France a d'autant moins le choix qu'elle a obtenu l'an dernier un délai de deux ans, jusqu'en 2015, pour ramener son déficit sous la barre des 3%. Elle est depuis sous surveillance renforcée de Bruxelles, qui voit dans sa santé fragile "un risque pour l'ensemble de la zone euro".
- "Ne pas en rajouter contre la France" -
Le gouvernement de Manuel Valls a mis sur la table un vaste plan d'économies de 50 milliards d'euros, avec pour mesure-clé le pacte de responsabilité proposé aux entreprises pour stimuler l'emploi. Ce plan doit nettement réduire le déficit.
Début mai, la Commission avait tablé sur un déficit à 3,4% en 2015 (contre 3,9% jusqu'alors) en prenant en compte des informations encore parcellaires. Ce chiffre est susceptible d'être revu à la baisse lundi, mais rien ne dit qu'il sera conforme aux objectifs européens qui sont pour la France d'atteindre 2,8% l'an prochain.
Si tel n'est pas le cas, la France s'expose en théorie à des sanctions, sauf si elle parvient à démontrer que "des circonstances économiques exceptionnelles" ont joué contre elle.
Le recours aux sanctions n'a toutefois jamais été utilisé, la Commission préférant user de la persuasion.
Le climat politique, après la victoire aux européennes du Front national, arrivé largement en tête avec un quart des suffrages, pourrait également inciter Bruxelles à ne pas se montrer trop dur à l'égard de la deuxième économie de la zone euro.
"Le vote FN crée un vrai sentiment qu'il faut faire attention, ne pas en rajouter contre la France", estime un haut responsable européen sous couvert d'anonymat. Les prérogatives de Bruxelles ont été renforcées à la faveur de la crise, ce que dénoncent les partis europhobes comme le Front national.
"Quand la France vote comme elle a voté dimanche, avec un électeur sur quatre qui se porte sur l'extrême droite, oui il y a un problème. (...) C'est un problème aussi pour l'Europe et l'Europe doit entendre ce qui s'est passé en France", a prévenu M. Hollande.