Joutes verbales, absence d'ambassadeurs à Caracas et Washington : le ton monte à nouveau entre le Venezuela et les Etats-Unis, mais aucun des deux pays n'a intérêt à rompre les relations en raison de l'intensité du commerce bilatéral.
Le dialogue entre les deux pays est compliqué depuis l'accession au pouvoir en 1999 du président vénézuélien Hugo Chavez, chef de file de la gauche anti-impérialiste latino-américaine et fervent détracteur de l'ancien président américain George W. Bush (2001-2008).
L'arrivée à la Maison blanche de Barack Obama début 2009 avait entraîné une certaine détente, mais les relations sont de nouveau empoisonnées depuis des mois par la nomination du nouvel ambassadeur des Etats-Unis à Caracas, Larry Palmer.
Chavez a refusé d'accréditer le diplomate car il lui reproche d'avoir "manqué de respect" envers son gouvernement lors de son habilitation devant le Sénat américain. Le diplomate avait notamment déclaré que les guérillas colombiennes étaient présentes sur le sol vénézuélien.
Washington a toutefois maintenu sa candidature, riposté en révoquant le visa de l'ambassadeur du Venezuela aux Etats-Unis, Bernardo Alvarez, et multiplié les déclarations critiques sur la situation politique au Venezuela.
Le secrétaire d'Etat adjoint américain pour l'Amérique latine, Arturo Valenzuela, a notamment qualifié de "mesure antidémocratique" la loi votée en décembre par le Parlement vénézuélien qui permet au président Chavez de gouverner par décrets pendant 18 mois.
Les Etats-Unis sont en train de se "réveiller" après avoir longtemps "fermé les yeux sur les violations de la Constitution et des droits de l'Homme", estime l'ancien ambassadeur du Venezuela auprès de l'ONU, Adolfo Tahyardat.
"Les républicains pensent que Obama a fait preuve de faiblesse à l'égard de Chavez et de son expansion en Amérique latine", précise Carlos Romero, professeur de relations internationales à l'Université centrale du Venezuela (UCV).
Et à un an de la prochaine présidentielle au Venezuela, "la diplomatie américaine ne veut pas devenir une source de légitimité pour Chavez", analyse Mauricio Cardenas, spécialiste de l'Amérique latine à l'Institut d'études politiques Brookings de Washington.
Néanmoins, personne n'a intérêt à aller plus loin, selon ces experts.
"La situation diplomatique est au point mort, mais cela n'affectera pas les relations commerciales. Chavez n'osera pas rompre les relations avec les Etats-Unis car même en interne il y aurait une forte réaction", estime M. Tahyardat.
Malgré sa volonté de diversifier ses acheteurs, le Venezuela, qui tire 90% de ses devises du pétrole, continue à vendre plus d'un million de barils de brut par jour (bp/j) aux Etats-Unis, soit un tiers de sa production, officiellement évaluée à 3 millions de bp/j.
"Même si un secteur proche de Chavez mise sur une rupture des relations avec les Etats-Unis, le gouvernement estime que cette décision ne serait pas soutenue par la région, y compris Cuba. Le Venezuela se retrouverait seul et sans dollars", abonde M. Romero.
A l'inverse, le Venezuela est le troisième marché pour les exportations américaines en Amérique latine.
Néanmoins, l'impasse actuelle ne profite à personne, selon Romero, qui juge "nécessaire une initiative diplomatique".
"Il faut que les deux pays nomment des négociateurs ou que les gouvernements souhaitant éviter une détérioration de la situation aident à reconstruire la relation", plaide-t-il.