Des centaines de milliers de passagers bloqués dans les aéroports espagnols ont pu enfin embarquer dimanche, après la grève des contrôleurs qui a poussé le gouvernement à répondre par la manière forte en plaçant le trafic aérien sous l'autorité de l'armée.
La grève sauvage déclenchée vendredi soir a bloqué environ 300.000 passagers dans les aéroports, au pire moment pour les Espagnols qui partaient pour cinq jours de congés à l'occasion du "Puente de la Constitucion", le plus long pont de l'année.
Face à ce spectaculaire coup de force, qui a paralysé le ciel pendant 24 heures, le gouvernement socialiste a lui aussi choisi la force en décrétant l'état d'alerte, une mesure réservée aux situations exceptionnelles, encore jamais utilisée en 35 ans de démocratie.
Dans les faits, les contrôleurs aériens seront soumis pendant 15 jours à l'autorité de l'armée et des poursuites judiciaires seront engagées.
"Nous allons appliquer la loi avec fermeté. Il n'y aura pas de problèmes dans nos aéroports ni à Noël, ni après", a promis samedi soir le ministre de l'Intérieur Alfredo Perez Rubalcaba, alors qu'une grève des pilotes était annoncée pour la fin de l'année.
Sitôt décrété l'état d'alerte, les contrôleurs ont plié et regagné leurs postes de travail. Le trafic a pu reprendre progressivement.
Dimanche matin, des milliers de passagers attendaient dans les halls d'embarquement, comme à l'aéroport de Madrid Barajas, soulagés mais souvent furieux face aux méthodes des contrôleurs.
Miriam Mellado, 54 ans, a dû renoncer à son voyage à Rome et attendait derrière une trentaine de personnes de se faire rembourser au comptoir d'Iberia.
"Cela ne nous intéresse plus, nous devions rentrer mardi, cela n'a aucun sens. Tout cela par la faute de gens qui gagnent beaucoup d'argent et ne font rien", lançait-elle.
Le conflit qui a éclaté ce week-end couvait en fait depuis de longs mois, le gouvernement cherchant à limiter les avantages particuliers dont bénéficient les 2.300 contrôleurs aériens espagnols.
Mais outre la méthode, les revendications d'une profession dont le salaire moyen atteint 200.000 euros par an, dans un pays où 20% de la population active est au chômage, passent mal dans l'opinion.
"Il est presque obscène de penser que quelques privilégiés ont exercé ce chantage contre l'Etat", écrivait le quotidien El Mundo (centre-droit). "Pour tout cela les contrôleurs doivent être punis avec toute la force de la loi".
C'est justement de cette situation qu'espére tirer parti le gouvernement de Jose Luis Rodriguez Zapatero, empêtré dans les retombées de la crise économique qui lui valent des records d'impopularité.
Le gouvernement "va prendre de sévères mesures contre les contrôleurs. Il sait que c'est une exigence de la rue, indignée par le préjudice énorme causé par la grève sauvage", relevait dimanche El Pais (centre-gauche).
"Zapatero, harcelé par la crise financière, a été surpris par la grève sauvage. Il a réagi de manière foudroyante: main de fer, coûte que coûte", résumait le journal.
Et dans le hall de l'aéroport, de multiples témoignages attestaient de ce fossé entre les centaines de milliers d'Espagnols privés de congés, et cette profession aux privilèges jugés "intolérables" par le gouvernement.
"J'étais content de voir hier à la télévision une femme contrôleur presque en larmes, disant qu'elle avait eu peur en voyant arriver des militaires armés", racontait Juan Seisdedos, un passager de 54 ans. "Je n'ai jamais voté Zapatero mais dans cette situation, il a bien fait. Ils devraient tous être licenciés".