Les tensions entre la France et Bruxelles renaissent à propos de l'envolée des déficits et Paris se retrouve plutôt isolé au sein de l'Union européenne (UE), car les autres grands pays ne bronchent pas face aux demandes d'efforts de réduction du gendarme budgétaire européen.
La Commission européenne doit demander mercredi à la France de ramener son déficit public dans la limite de 3% du produit intérieur brut (PIB) fixée par le Pacte de stabilité de l'UE d'ici 2013, au lieu de 2012 jusqu'ici.
Mais Paris table sur un retour dans les clous en 2014 seulement et conteste cet objectif.
"2014 constitue déjà un bel effort. 2013, je pense que ça va être extrêmement difficile. C'est ce que j'ai dit à mes collègues", a déclaré mardi la ministre française des Finances Christine Lagarde, en sortant d'une réunion avec ses homologues de l'UE à Bruxelles.
Selon les prévisions de Paris, le déficit devrait atteindre 8,5% du PIB en 2010, puis reculer à 7% en 2011, 6% en 2012 et 5% en 2013.
Du coup, Mme Lagarde a fait valoir que l'objectif fixé par la Commission lui semblait peu "réaliste".
Mais, du côté de la Commission, on refuse de discuter. "Conformément au Pacte (de stabilité) révisé, nous pouvons prolonger le délai d'un an", et pas plus, pour les pays auxquels Bruxelles a déjà fait des remontrances, a souligné le commissaire européen aux Affaires économiques Joaquin Almunia.
De fait, Bruxelles a également décidé de prolonger d'un an le délai donné à l'Espagne, à 2013, ainsi que celui de l'Irlande, à 2014, et du Royaume-Uni, à avril 2015.
La France, qui estime de son côté qu'un délai plus important devrait être possible, se retrouve isolée parmi les grands pays de la zone euro.
"Cela me paraît raisonnable que ces quatre pays aient une année de plus", a indiqué la ministre espagnole des Finances Elena Salgado.
L'Allemagne et l'Italie, pour lesquels Bruxelles a fixé pour la première fois des objectifs datés de retour sous les 3% de déficit, ont également accepté les délais proposés.
La recommandation pour l'Italie, appelée à revenir dans les clous en 2012, "est très positive", a jugé le ministre italien des Finances Giulio Tremonti, indiquant que le projet de budget de son pays était "sur la même ligne".
"Réduire les déficits entre 2011 et 2013 correspond exactement à nos idées", a renchéri son homologue allemand, Wolfgang Schäuble.
"Pour notre gouvernement, le Pacte de stabilité n'est pas négociable et on va faire en sorte qu'il reste fort", a-t-il ajouté, interrogé sur les réserves françaises.
Pour certains, l'attitude de Paris donne le mauvais exemple.
"Le seul mal qu'ils sont en passe de causer, c'est que des petits pays sont en train de se faufiler derrière eux", comme la Belgique, juge une source européenne.
Le ministre belge des Finances Didier Reynders a ainsi exclu catégoriquement mardi un retour du déficit sous les 3% dès 2012, comme voulu la Commission. "Pour nous, ce sera 2013", a-t-il averti.
Les bisbilles entre la France et Bruxelles sur les déficits sont récurrentes depuis des années.
C'est sous sa pression et celle de l'Allemagne, que le Pacte de stabilité a été assoupli en 2005.
Ensuite en 2007, après son élection, le président français Nicolas Sarkozy a remis en cause un objectif de déficit zéro en 2010 pris par tous les pays de l'UE, irritant la Commission. Et les tensions se sont accrues en 2008 après que Bruxelles a demandé à Paris d'accélérer la réduction de son déficit.
La récession économique a depuis la fin de l'an dernier fait voler temporairement en éclats le Pacte de stabilité, mettant entre parenthèse le conflit. Mais avec la reprise, l'attention se tourne à nouveau vers les efforts budgétaires.