Julien Grout, ancien trader impliqué dans les transactions qui ont coûté six milliards de dollars à JPMorgan Chase l'an dernier, pourrait être le prochain Français d'une grande banque de Wall Street à affronter la justice américaine.
Les autorités américaines enquêtent sur de possibles malversations de l'équipe de traders impliqués dans cette affaire dite de "la baleine de Londres", pour savoir s'ils ont tenté de dissimuler les pertes de courtage sur leurs énormes positions risquées dans les dérivés de crédit avant que l'affaire n'éclate au grand jour.
Un rapport sénatorial américain publié en mars met en lumière que les bilans internes quotidiens sur les positions incriminées utilisaient des méthodes de calcul qui minimisaient les pertes encourues de plusieurs centaines de millions de dollars.
M. Grout était un trader "junior", chargé de ces rapports internes. Il travaillait sous la supervision de Bruno Iksil, français lui aussi, surnommé "la baleine de Londres" dans le milieu financier en raison de l'énormité des paris risqués de son équipe. Lui-même était placé sous la responsabilité de Javier Martin-Artajo.
Alors que le New York Times et le Wall Street Journal affirmaient ce week-end que les autorités américaines pourraient lancer un mandat d'arrêt de manière imminente contre MM. Grout et Martin-Artajo, l'avocat de M. Grout, Edward Little, a indiqué à l'AFP qu'aucun mandat n'avait pour l'instant été émis à l'encontre de son client.
L'avocat, qui devait rencontrer mardi les enquêteurs américains, est toutefois au courant que les autorités envisagent de poursuivre son client sur la base de charges pénales.
Un autre Français avait été condamné début août, l'ancien trader de Goldman Sachs Fabrice Tourre, jugé coupable de fraude boursière à l'issue d'un procès très médiatisé à New York.
Jusqu'à présent, M. Grout et son avocat n'attendaient pas d'éventuelles plaintes des enquêteurs américains "avant l'automne, mais à cause de fuites dans la presse les choses semblent avancer plus rapidement" qu'anticipé, a détaillé M. Little.
Rentré en France sans penser qu'il serait poursuivi
Selon le New York Times et le Wall Street Journal, Bruno Iksil ne serait pas visé par des poursuites pénales.
M. Little a confirmé d'autres informations de presse selon lesquelles Bruno Iksil "collaborait" à l'enquête des autorités américaines mais pas Julien Grout: "il n'a pas de raison de collaborer, il n'a rien fait d'illégal".
M. Grout se trouve actuellement en France. "Il a quitté JPMorgan Chase en décembre et a essayé de trouver du travail à Londres mais à cause de la mauvaise presse il n'y est pas parvenu", a expliqué M. Little.
"Il a donc décidé de rentrer en France avec sa femme qui est américaine", et ses enfants, a-t-il ajouté, insistant sur le fait que son retour dans son pays n'avait rien à voir avec la possibilité de poursuites pénales de la part des autorités américaines.
"Il est rentré en France alors qu'il n'avait aucune idée qu'il pourrait être poursuivi", a-t-il insisté. M. Grout s'est rendu récemment aux Etats-Unis pour rendre visite à la famille de sa femme et n'y a pas été inquiété par les autorités américaines, a encore fait valoir M. Little.
Des avocats de Javier Martin-Artajo ont pour leur part indiqué à l'AFP que ce dernier "passe actuellement des vacances planifiées de longue date et retournera au Royaume-Uni comme prévu".
"M. Martin-Artajo a coopéré à chaque enquête interne et externe au Royaume-Uni. Il n'a pas reçu de message de régulateurs gouvernementaux (...) lui intimant de ne pas prendre de vacances actuellement", poursuit ce communiqué du cabinet londonien Norton Rose Fulbright.
"M. Martin-Artajo est confiant que lorsqu'une reconstitution complète et juste de ces événements complexes sera finalisée, il sera absous de toute malversation", conclut-il.
Les avocats de Bruno Iksil n'étaient pas joignables dans l'immédiat.