L'opérateur norvégien de télécommunications Telenor et le conglomérat Alfa du milliardaire russe Mikhaïl Fridman ont mis fin lundi à un conflit long et amer, suivi de près par les investisseurs internationaux qui y voient un indicateur du climat des affaires en Russie.
Après un bras de fer de plusieurs années pour le contrôle de leurs coentreprises russe Vimpelcom et ukrainienne Kievstar, Telenor et Alfa ont convenu de regrouper leurs parts dans ces deux sociétés au sein d'une nouvelle filiale commune qui ciblera les pays émergents.
"Nous avons transformé un conflit de cinq ans en un projet enthousiasmant pour l'avenir", a déclaré Jon Fredrik Baksaas, le directeur général de Telenor, dans un communiqué.
L'accord met fin "à tous les différends" qui ont empoisonné les relations entre Alfa et Telenor depuis 2004 mais aussi, dans une certaine mesure, entre les Etats norvégien, actionnaire de Telenor à hauteur de 54%, et russe.
Il reste toutefois sujet à plusieurs conditions, notamment au déblocage par la justice russe de la participation de Telenor dans Vimpelcom, saisie dans le cadre d'un conflit judiciaire avec un autre petit actionnaire, Farimex Products.
Baptisée elle aussi Vimpelcom, la nouvelle société sera un "leader dans les pays émergents", présent en Russie et en Ukraine mais aussi dans d'autres républiques ex-soviétiques, au Vietnam, au Cambodge et au Laos, a précisé Telenor.
Fin 2008, elle disposait de l'équivalent de 85 millions d'abonnés dans des régions où la croissance des télécoms est généralement beaucoup plus rapide que dans les pays industrialisés.
Telenor et Alfa, via sa filiale Altimo, détiendront respectivement 35,42% et 43,89% des droits de vote de la nouvelle Vimpelcom, qui sera cotée à la Bourse de New York et dont le siège sera aux Pays-Bas.
L'opération devrait être bouclée "d'ici la mi-2010", selon Telenor.
Pour ce faire, il faut encore que le norvégien puisse récupérer ses 29,9% dans l'actuelle Vimpelcom. La justice russe avait saisi l'essentiel de cette part l'an dernier et, officiellement, elle menace encore de la vendre aux enchères pour couvrir une condamnation que Telenor refuse de payer à Farimex.
Cette petite société obscure enregistrée dans les îles Vierges britanniques a obtenu auprès d'un tribunal de Sibérie un jugement condamnant Telenor à verser 1,7 milliard de dollars de réparations pour avoir retardé l'expansion de Vimpelcom en Ukraine.
"Cette affaire doit être évacuée" avant la conclusion de l'accord, a déclaré Trond Westlie, directeur financier de Telenor, lors d'une conférence de presse à Oslo. Telenor a toujours considéré que Farimex était un paravent d'Alfa, ce que les deux intéressés démentent.
Les déboires de l'opérateur norvégien en Russie étaient étroitement observés par les investisseurs internationaux, inquiétés par des précédents accréditant l'idée d'une instrumentalisation de la justice russe par les groupes locaux aux dépens des entreprises étrangères.
L'an dernier, à l'issue d'une avalanche de problèmes judiciaires face notamment au même Mikhaïl Fridman, la major britannique BP avait déjà dû céder une partie de son pouvoir dans le groupe pétrolier russo-britannique TNK-BP.
Le conflit entre Alfa et Telenor était pour "certains investisseurs, si ce n'est pour la majorité, un facteur essentiel qui freinait leur appétit pour investir en Russie", a réagi Konstantin Tchernichev, directeur de la recherche de la banque d'investissement moscovite Uralsib, lundi.
L'accord "est un bon signal pour les investisseurs étrangers et dans l'ensemble une bonne nouvelle pour le marché", a-t-il dit à l'AFP à Moscou.
L'action Telenor a bondi à la Bourse d'Oslo: en fin de matinée, elle prenait 11,57% sur un marché en hausse de 1,22%.