La vente d'un trésor de brevets mis aux enchères pour rembourser les créanciers du canadien en faillite Nortel s'est soldée par une cuisante défaite pour Google, face à plusieurs de ses adversaires ligués contre lui, à commencer par Apple et Microsoft.
Les détails de l'enchère organisée pendant une semaine sont confidentiels, mais le résultat est clair: Google, qui le premier s'était dit prêt, en avril, à miser 900 millions de dollars pour acquérir plus de 6.000 brevets, a perdu.
Face à lui ses adversaires se sont cotisés à six pour verser 4,5 milliards de dollars au total, soit probablement moins de 900 millions de dollars pour chacun - mais tout de même le triple au total de ce qu'attendaient les analystes.
Apple et Microsoft, plus connus pour leurs affrontements que pour leurs liens, se sont alliés avec Research in Motion, un troisième concurrent direct de Google dans la téléphonie mobile, ainsi qu'avec Ericsson, Sony et EMC.
L'utilisation qu'ils feront de ces brevets, qui pour la plupart portent sur des matériels plutôt que des logiciels, selon une source informée, est incertaine. "Nous pensons que le consortium est dans une meilleure position pour utiliser les brevets d'une façon qui soit favorable à l'industrie à long terme", a seulement assuré un responsable d'Ericsson, Kasim Alfalahi.
Google n'a pas caché que l'issue était "décevante".
En avril, le groupe de Mountain View espérait que le trésor Nortel pourrait "décourager d'autres de poursuivre Google" et aussi soutenir le développement de projets en code source libre, comme son Android, devenu le système d'exploitation pour appareils portables le plus vendu.
"Le monde des technologies a récemment assisté à une explosion des litiges autour des brevets (...) ce qui menace l'innovation", regrettait alors un responsable juridique de Google, Kent Walker, directeur juridique de Google.
Vendredi Google a promis qu'au contraire, il était décidé à "oeuvrer à réduire le flot actuel de litiges sur les brevets, qui sont nuisibles aussi bien pour les innovateurs que pour les consommateurs".
Pour une source influente dans le secteur de la high tech, cet échec "laisse craindre de graves problèmes pour Google, mais ce n'est pas inévitable": on ne sait pas si les nouveaux propriétaires des brevets voudront y barrer l'accès, ou s'ils voudront les céder sous licence à prix fort, et il n'est pas exclu que les autorités, qui devront valider l'opération, les forcent à les communiquer, au nom de la concurrence.
Florian Mueller, un blogueur influent spécialiste du droit des brevets, a estimé que les adversaires de Google voulaient à tout prix "l'empêcher de devenir une puissance nucléaire de la propriété intellectuelle".
Cette enchère aurait en effet permis à Google, qui selon M. Mueller ne détient actuellement qu'environ 700 brevets, de décupler d'un coup son portefeuille - et du même coup de dissuader les procès pour violation de brevets, alors qu'il estime à 45 le nombre de poursuites lancées contre Android.
En revanche Microsoft et Apple, qui sont riches en brevets, avaient moins un besoin évident d'étoffer leur portefeuille.
Seule consolation pour Google: cet échec pourrait paradoxalement l'aider à prouver aux autorités, qui enquêtent sur un éventuel abus de position dominante, qu'il n'est pas le géant invincible que certains dépeignent: "Cette image est vraiment entamée", a indiqué à l'AFP un observateur influent, même si "sur le fond de l'enquête de la Commission fédérale américaine du commerce (FTC), ça ne change rien".