par Chine Labbé et Pierre Savary
LILLE (Reuters) - Le tribunal correctionnel de Lille, devant lequel s'est ouvert lundi le procès dit du "Carlton", ne sera pas le gardien de "l'ordre moral" mais celui "du droit", a déclaré lundi son président à l'issue du premier jour d'audience.
Treize prévenus, parmi lesquels l'ancien patron du Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn, sont renvoyés pour proxénétisme aggravé, et un quatorzième pour complicité de délits financiers.
Le tribunal "n'est pas aujourd'hui le gardien de l'ordre moral, c'est celui du droit et de sa bonne application", a dit le président Bernard Lemaire. "Ce que je souhaiterais, c'est que les débats se passent dans la plus grande dignité."
Me Eric Dupond-Moretti, avocat de l'un des prévenus, a salué ces propos. "La morale sera reléguée au second plan (...) C'est un discours que l'on voulait entendre depuis longtemps", a-t-il dit à la presse.
Vêtu d'un costume noir, d'une chemise blanche et d'une cravate bleu gris, "DSK", 65 ans, s'est présenté lundi au procès en évitant les centaines de journalistes, photographes et cameramen accrédités.
Contraint à la démission du FMI après avoir été accusé en mai 2011 d'agression sexuelle par une femme de chambre au Sofitel de New York, il est soupçonné d'avoir été le "pivot central" de "parties fines" organisées avec des prostituées entre 2008 et 2011 à Lille, Paris et Washington, notamment.
Il encourt jusqu'à 10 ans de prison et 1,5 million d'euros d'amende.
Strauss-Kahn a toujours clamé son innocence, assurant n'avoir jamais su que les femmes rencontrées lors de ces soirées selon lui "libertines" étaient des prostituées, ni avoir été à l'origine des rencontres.
A la question "avez-vous déjà mis les pieds au Carlton de Lille?", il a répondu lundi : "Jamais Monsieur le président". "Et à celui des Tours?" "Pas plus." Où avaient lieu alors les soirées auxquelles vous participiez? "Chez moi."
HUIS CLOS REFUSÉ
Les juges lui reprochent notamment la mise à disposition d'un appartement parisien lui appartenant. Le tribunal l'entendra la semaine prochaine.
Plus tôt dans l'après-midi, une demande de huis clos déposée par plusieurs parties civiles avait été rejetées, le tribunal rappelant que les prostituées, tout comme les prévenus, pouvaient choisir de ne pas parler.
"Quand on est une petite fille, on rêve de devenir une princesse, pas une prostituée", avait dit le procureur en soutenant un huis clos partiel. "Nous avons le devoir de respecter leur souffrance", avait-il ajouté.
Une partie importante de cette première journée a été consacrée à des révélations sur une présumée enquête "fantôme" qui aurait précédé et déclenché l'enquête judiciaire.
S'appuyant notamment sur le livre d'un ancien commissaire de police, un avocat de la défense a fait état d'écoutes administratives qui auraient eu lieu dès juin 2010, soit huit mois avant l'ouverture de l'enquête préliminaire.
Sa requête en nullité sera examinée avec le fond du dossier, à l'issue du procès.
Me Emmanuel Daoud, avocat de l'une des parties civiles, s'est dit "passablement embarrassé" par ces révélations.
"J'attendais un procès exemplaire (...) A ce stade des débats, je considère que le doute s'est instillé sur la régularité de la procédure", a-t-il dit.
Le procès est prévu pour durer trois semaines au moins, à l'issue desquelles le jugement devrait être mis en délibéré.
(Edité par Yves Clarisse)