L'ambition du groupe des pays riches et émergents du G20 de fonder une sorte de nouvel ordre économique mondial, avec pour maître mot le "rééquilibrage de la croissance", va être mise vite à l'épreuve par des problèmes concrets.
Cet idéal affirmé lors du sommet de Pittsburgh, qui s'est achevé vendredi, peut paraître bien en avance par rapport aux questions du jour: comment faire repartir une croissance mondiale bien fragile et enrayer la montée du chômage ?
Le G20 a consacré au sujet une longue littérature, publiant un communiqué final de 23 pages, là où le G7 préférait l'impact d'un texte d'une ou deux pages.
Cette prolixité tranche avec la réalité d'une conjoncture encore fragile, où les marchés de l'emploi restent déprimés. "Il y a toujours un tas de débris qui encombrent le paysage économique, et qui vont empêcher une transition en douceur de la récession vers une croissance forte puis stable", souligne Roger Kubarych, économiste du Council on Foreign Relations à New York.
La mise en oeuvre concrète pose des questions. "Pour mettre l'économie mondiale sur un chemin de croissance plus robuste, il faut que la Chine réévalue considérablement le yuan contre le dollar et que les Etats-Unis brident leur déficit public", insiste Peter Morici, de l'université du Maryland, sceptique sur ces deux hypothèses.
Or, le G20 n'a fait qu'une mention très brève à l'un des classiques des communiqué du G7, les changes, et cela à un moment où le dollar se retrouve en difficulté sur les marchés.
"Nous travaillerons de concert pour nous assurer que nos politiques budgétaires, monétaires, de change, commerciales et structurelles forment un ensemble cohérent", se contente d'affirmer le G20.
De même la discussion sur les stratégies de sortie de crise, liée à l'endettement massif des Etats après des plans de relance sans précédent, est renvoyée à la prochaine réunion du G20 Finances en novembre.
Les questions de commerce international ont trouvé un écho limité, alors que les Etats-Unis et la Chine sont en conflit sur les droits de douane imposés par Washington sur les pneus, et que se multiplient les appels à conclure enfin les négociations entamées en 2001 au sein de l'Organisation mondiale du commerce.
"Nous combattrons le protectionnisme. Nous nous engageons à conclure le cycle de Doha sur un succès en 2010", affirme le communiqué final. Le directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn a trouvé cette déclaration "plus conventionnelle" que les précédentes du G20.
"Le faible résultat en matière de commerce international, l'enfant délaissé de Pittsburgh, est regrettable même s'il n'était pas imprévisible", a souligné Uri Dadush, économiste à l'institut Carnegie à Washington.
Une partie importante des discussions a été en fait consacrée au débat sur les quotes-parts au sein du FMI, et le renforcement du poids des émergents.
Si le G20 aboutit à un compromis chiffré et le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva salue "une victoire extraordinaire", il s'attarde en fait sur un sujet que certains considéraient comme déjà réglé. Une réforme conclue en 2008 au bout de trois ans de discussions au sein du Fonds n'a jamais été mise en oeuvre faute de ratification par un nombre suffisant de parlements nationaux.
Le sommet de Pittsburgh restera peut-être plus dans les mémoires pour le renforcement des règles dans la finance qu'il préconise.
Dans les détails, par exemple sur l'harmonisation des normes de fonds propres entre banques européennes et américaines, tout doit encore se jouer entre experts au sein du comité de Bâle.
Mais les dirigeants ont pu s'accorder sur des principes généraux, comme celui de l'encadrement des primes des banquiers et traders, qui auraient été inimaginables sans la crise financière.