Le faux scandale d'espionnage, qui sera au coeur d'un nouveau conseil d'administration extraordinaire de Renault lundi, risque de se solder par une addition salée pour le constructeur automobile, à qui les trois cadres victimes de l'affaire réclameraient des dommages astronomiques.
Michel Balthazard, Bertrand Rochette et Matthieu Tenenbaum demandent respectivement 3,2 millions, 3,4 millions et 2,4 millions d'euros de dommages pour préjudice moral, révèle l'hebdomadaire Marianne à paraître samedi.
Ces sommes, ajoutées aux diverses indemnités de licenciement, feraient grimper la note à plus de 11 millions d'euros.
Les indemnités du trio varient entre 1,2 million d'euros pour M. Balthazard, le plus vieux d'entre eux avec 32 ans passés chez Renault, et 170.000 euros pour M. Tenenbaum, 33 ans, selon les calculs de Marianne.
Renault et son avocat Jean Reinhart, contactés par l'AFP, ont refusé de commenter ces chiffres. Une porte-parole a seulement précisé que M. Balthazard et M. Rochette - qui refusent de réintégrer l'entreprise - avaient déjà touché leurs "indemnités conventionnelles".
La direction de Renault disposerait d'une marge de négociations beaucoup plus étroite pour la réparation du préjudice moral: entre 500.000 et 700.000 euros par personne, a indiqué une source proche du dossier à l'AFP, confirmant une fourchette de Marianne.
"M. Tenenbaum envisage de retourner chez Renault, mais ne discutera des modalités que s'il estime suffisante la réparation de son préjudice", a déclaré à l'hebdomadaire son avocat, Thibaut de Montbrial.
"Ces chiffres sont faux, mélangent indemnités et préjudice moral qui ne sont pas taxés de la même façon", a réagi auprès de l'AFP Xavier Thouvenin, un des défenseurs de M. Balthazard, qui estime qu'on veut faire passer son "client pour un grippe-sous".
"Cette affaire est grave, elle aurait pu entraîner des suicides. Est-ce que cela vaut plus ou moins qu'un an du salaire de Carlos Ghosn (9,2 millions d'euros)?", a pour sa part déclaré à Marianne Pierre-Olivier Sur, le second avocat de M. Balthazard.
Le dilemme pour Renault, estime le magazine, est qu'un actionnaire minoritaire pourrait porter plainte pour "abus de bien social" si le groupe "surindemnise" ses cadres. Une telle plainte aurait toutefois peu de chance d'aboutir, tempère un spécialiste de la défense des petits actionnaires.
S'il refuse de débourser une telle somme, le groupe "risquerait un procès prud'hommal retentissant" catastrophique pour son image, poursuit Marianne.
La question devrait être abordée lors d'un conseil d'administration extraordinaire lundi, consacré à l'affaire, a indiqué à l'AFP une autre source proche du dossier.
Cette réunion doit permettre, à partir d'un rapport du comité d'audit de Renault, d'établir les dysfonctionnements et les responsabilités de chacun dans ce fiasco.
Jusqu'à présent, aucune tête n'est tombée à la direction de Renault. Le PDG, Carlos Ghosn, a reconnu à la mi-mars que le groupe avait accusé à tort les trois cadres d'avoir monnayé des informations sur le programme phare des véhicules électriques.
M. Ghosn s'était engagé à les indemniser "à la hauteur du préjudice" subi. En signe de bonne volonté, il avait renoncé, avec son bras droit Patrick Pélata et "l'ensemble des cadres dirigeants impliqués" à leurs bonus pour 2010, soit 1,6 millions d'euros pour le PDG, et à tout bénéfice de stock-options pour 2011.
Ce montant suffirait difficilement à couvrir l'addition. Pour le premier syndicat du groupe, la CGT, "c'est à ceux qui, de près ou de loin ont participé à ce fiasco et non aux salariés de Renault, de payer"; une position partagée par la CFE-CGC.