Le groupe laitier Entremont, actuellement en grande difficulté, pourrait être repris par la coopérative Sodiaal, connue pour ses marques Yoplait et Candia, afin de constituer un leader européen sur ce secteur en crise, une opération encouragée par le gouvernement.
Le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, a créé la surprise lundi en annonçant lui-même le début des négociations entre Entremont et la coopérative Sodiaal en vue de la "constitution d'un grand groupe laitier européen".
M. Le Maire s'est personnellement investi sur ce dossier politiquement très sensible. En juillet, il avait promis un début de solution avant la fin août.
Le schéma de reprise prévoit qu'Albert Frère, principal actionnaire d'Entremont, va céder sa participation à Sodiaal en échange de son entrée dans la nouvelle entité, selon une information des Echos confirmée par le groupe belge. Entremont est contrôlé par la CNP d'Albert Frère, via Unifem.
Le groupe Lactalis, qui était également en lice, n'a finalement pas été retenu. "Notre proposition ne valorisait pas suffisamment la participation d'Albert Frère dans la perspective de son arrivée dans le nouveau tour de table et nous n'étions pas non plus d'accord sur la reprise des dettes d'Entremont", a affirmé à l'AFP Luc Morelon, porte-parole de Lactalis.
L'endettement d'Entremont s'élevait entre 360 et 370 millions d'euros fin 2008.
Entremont Alliance est en crise depuis des mois. Son modèle économique basé sur la commercialisation de produits industriels (poudre de lait, beurre,...) et la fabrication d'emmental n'a pas résisté à l'effondrement des cours mondiaux et à la concurrence acharnée qui s'exerce sur le fromage à pâte pressée cuite.
Troisième opérateur de lait en France, Entremont absorbe 30% de la production bretonne et collecte le lait de quelque 6.000 producteurs. Le groupe emploie un peu plus de 4.000 salariés.
Depuis plus d'un an, Entremont est dans le rouge. En 2008, le groupe a perdu 34 millions d'euros et encore 19 millions au premier trimestre 2009.
Les salariés se félicitent de voir l'option Lactalis écartée. "Nous avions une inquiétude majeure avec Lactalis" qui aurait pu supprimer entre "1.000 et 2.000 emplois", a déclaré à l'AFP Jean-Pierre Trouboul, secrétaire du comité de groupe d'Entremont et délégué syndical central CGT.
De nombreuses activités d'Entremont doublonnent avec celles de Lactalis, notamment dans les produits industriels et les pâtes pressées du type emmental, explique-t-il.
Ce qui n'est pas le cas de la coopérative Sodiaal dont les activités sont complémentaires. Avec ses marques Yoplait et Candia, elle est en effet présente sur le secteur des produits frais (lait, yaourts).
Les producteurs se disent aussi soulagés que Lactalis n'ait pas été retenu. Mais "tout le travail reste à faire" et notamment celui de "changer les mentalités" des producteurs qui devraient passer sous statut coopératif, a déclaré à l'AFP, Pascal Nizan, président de l'association des éleveurs de Bretagne apporteurs de lait à Entremont Alliance (AEBEA).
Si Sodiaal et Entremont parviennent à fusionner, ils formeront un groupe de taille européenne avec un chiffre d'affaires qui dépasserait 4 milliards d'euros. La collecte de lait atteindrait 5 milliards de litres, soit un peu plus de 20% de la collecte française, loin derrière Lactalis (10 milliards).
Un autre acteur, le groupe fromager Bongrain, qui coopère déjà avec Sodiaal, pourrait rejoindre à terme le nouveau tour de table, a annoncé au Figaro son directeur général, Pascal Breton.