Le secrétaire au Trésor américain Timothy Geithner a invité l'Europe et notamment l'Allemagne à en faire plus pour soutenir la croissance mondiale, jeudi à Berlin.
Interrogé sur le point de savoir si les politiques de réduction des déficits engagés en Europe risquaient de peser sur la croissance, il a répondu que les Etats-Unis ne pouvaient à l'avenir être la seule locomotive et prôné "une croissance mondiale plus équilibrée".
M. Geithner s'exprimait lors d'une conférence de presse avec son homologue Wolfgang Schäuble, dont le pays, première économie européenne, a été accusé de ne pas assez stimuler la consommation.
"Nous sommes tous d'accord qu'une partie de la reprise mondiale implique de s'engager pour des objectifs clairs de réduction des déficits", a dit M. Geithner. "C'est essentiel" et "l'ampleur des ajustements va différer" selon les pays, qui n'ont pas tous les mêmes niveaux de croissance ni de déficit.
Mais "les consommateurs américains seront moins à l'avenir la source de la demande mondiale", a-t-il fait valoir.
La Chine est consciente de cette réalité et fait de vastes réformes pour "s'assurer que sa croissance sera stimulée davantage intérieurement à l'avenir", a-t-il ajouté.
Des pays européens en difficulté comme la Grèce, le Portugal et l'Espagne se sont lancés dans de sévères cures d'austérité, mais l'heure est aussi aux économies en Grande-Bretagne, en France ou en Allemagne.
Bien que la dette allemande soit loin d'avoir autant explosé que celle de certains voisins européens et que l'économie allemande affiche une bonne santé grâce à ses exportations, Berlin veut tailler dans quasiment tous les postes.
Certains, notamment aux Etats-Unis, déplorent cette orthodoxie budgétaire. "Davantage d'austérité en Allemagne risque d'handicaper la reprise naissante en Europe et la prospérité de l'Allemagne elle-même", estimait mercredi un éditorial du New York Times, titré "l'Allemagne contre l'Europe".
Le Süddeutsche Zeitung (quotidien allemand de centre-gauche) jugeait lui aussi jeudi que l'Allemagne était "devenue un facteur de risque pour l'économie mondiale".
Le commissaire européen au Budget, Janusz Lewandowski, également à Berlin jeudi, a estimé quant à lui que "dans la crise, l'Allemagne est une île de stabilité et n'a pas besoin de faire beaucoup d'économies".
M. Geithner n'a pas mis en cause nommément Berlin. Mais il a martelé qu'il fallait "une croissance mondiale à l'avenir plus équilibrée et plus durable" et que les dirigeants conviés aux rencontres du G20 en juin sont "tous d'accord" là-dessus.
M. Schäuble a pour sa part défendu la réduction des déficits, et souligné qu'un pays vieillissant comme l'Allemagne a "des marges de manoeuvres plus étroites" qu'un pays dont la population croît.
Quant aux préparatifs du G20, axés sur une meilleure régulation des marchés et où l'Allemagne veut défendre une taxe sur les transactions financières, ils avancent bien selon M. Geithner, même si certains pays ont "des approches légèrement différentes".
M. Schäuble a souligné que "les traditions et les cultures diffèrent" entre Etats-Unis et Europe et qu'"on ne peut pas appliquer les mêmes recettes", mais assuré que "la coopération (entre Berlin et Washington) est beaucoup plus étroite qu'il n'y paraît parfois".
Après une étape à Londres, M. Geithner avait rencontré mercredi soir le président de la Banque centrale européenne (BCE) Jean-Claude Trichet à Francfort (ouest) et, jeudi matin, celui de la banque centrale allemande Axel Weber.