La Grèce, si elle reste montrée du doigt pour sa responsabilité dans la crise qui déstabilise la zone euro, est également de plus en plus dépeinte comme une victime en raison de l'ampleur des efforts qui lui sont demandés et pourraient se révéler contre-productifs.
Les critiques à l'égard d'Athènes sont montées d'un cran cette semaine après l'annonce surprise d'un référendum, finalement abandonné, les responsables européens n'hésitant plus à parler ouvertement d'une sortie du pays de l'euro.
Les reproches adressés aux gouvernements grecs sont multiples et ne datent pas d'hier. "Depuis que la Grèce est entrée dans la zone euro, elle a transgressé tous les principes de discipline budgétaire, pire, elle a maquillé ses comptes", s'est encore indigné récemment l'ancien ministre français des Finances centriste Jean Arthuis.
Athènes avait révélé fin 2009 que l'ampleur de ses déficits avait été cachée pendant des années.
Début juillet, 19 économistes grecs ont établi un diagnostic sans concession des maux de leur pays, pris au piège d'une "économie dysfonctionnelle" et de la "corruption rampante".
L'évasion fiscale, un secteur public hypertrophié, une économie peu dynamique, notamment à l'exportation, et la mauvaise habitude prise par la Grèce de vivre à crédit grâce à son appartenance à la zone euro qui lui a permis de s'endetter à bon compte, font partie des nombreux maux reprochés au pays.
La chancelière allemande Angela Merkel a appelé régulièrement à prendre le problème "à la racine" et à remettre de l'ordre dans les finances publiques des pays peu vertueux de la zone euro. D'autres dirigeants de pays d'Europe du Nord ont tenu un discours similaire face à une Grèce jugée, au mieux trop laxiste, au pire profiteuse.
Mais certains responsables politiques et des économistes estiment qu'il est inutile désormais de tirer sur l'ambulance.
Ils jugent que les citoyens grecs ont déjà payé un lourd tribut à la crise en subissant de fortes baisses de salaires et de retraites, des hausses des prix de l'électricité, des transports ou du gaz, la mise au chômage technique de dizaines de milliers de fonctionnaires et des impôts et taxes plus élevés.
Dans ces conditions, beaucoup doutent de la capacité du pays à retrouver le chemin de la croissance et donc de la réduction des déficits.
Le Fonds monétaire international lui-même a émis des pronostics de plus en plus sombres pour le pays annonçant mi-octobre que la reprise n'interviendait pas avant 2013, alors que le pays est déjà en récession depuis fin 2008.
"La Grèce ne parviendra pas à plus de stabilité avec un programme qui ne se base que sur l'assainissement budgétaire", avertissent les Verts du Parlement européen, qui prônent "un programme de reconstruction" de ce pays.
Pour Simon Tilford, du Centre for European Reform basé à Londres, l'austérité imposée aux Grecs est "très excessive". "La zone euro porte une grande part de responsabilité dans la situation grecque actuelle", selon lui.
C'est aussi l'avis d'Henri Sterdyniak, de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), pour qui les mesures de réduction des dépenses publiques et d'augmentation des impôts imposés à la Grèce et à d'autres font que "l'activité chute, ces pays n'arrivent pas à tenir leurs objectifs en matière de finances publiques et cela fragilise les gouvernements tout en ne rassurant pas les marchés".
Pour ces économiste, il faudrait au contraire "donner plus de temps aux Grecs pour résoudre leurs problèmes, garantir leur dette et mettre sur pied un plan de redressement industriel centré sur les pays du Sud" de l'Europe.
"Le Nord doit investir dans les pays du Sud pour que l'Europe apparaisse comme un facteur de croissance et de solidarité et non d'austérité", selon cet économiste.