L'ex-commissaire européen Mario Monti, chargé dimanche soir de succéder au chef du gouvernement Silvio Berlusconi, s'est dit aussitôt convaincu que l'Italie "peut vaincre" la crise de la dette "grâce à un effort collectif" et redevenir une "force" dans l'Union européenne.
"Je travaillerai pour sortir rapidement d'une situation d'urgence que l'Italie peut vaincre grâce à un effort collectif", a affirmé M. Monti lors d'une brève intervention devant la presse après avoir reçu son mandat des mains du président de la République Giorgio Napolitano.
"L'Italie doit redevenir un élément de force, et non de faiblesse, dans une Union européenne dont nous avons été fondateurs et dont nous devons être protagonistes", a-t-il également souhaité.
Selon la Constitution italienne, M. Monti doit maintenant former un gouvernement et obtenir la confiance des deux chambres du parlement dans un délai de dix jours avant de prendre officiellement ses fonctions. Dans l'intervalle, c'est encore M. Berlusconi qui est chargé d'expédier les affaires courantes.
"Les consultations que je mènerai seront conduites rapidement mais avec attention. Je retournerai voir le président de la République quand je serai en mesure d'ôter toute réserve", a-t-il affirmé, alors que M. Napolitano a espéré que le gouvernement soit formé d'ici la fin de la semaine.
Sur le plan économique, M. Monti s'est fixé pour objectif d'"assainir la situation financière et de reprendre le chemin de la croissance tout en restant attentif à l'équité sociale".
"Nous le devons à nos enfants. Nous devons leur donner un avenir concret fait de dignité et d'espérance", a-t-il conclu, avant de quitter le palais présidentiel sous les applaudissements de la foule qui l'attendait à l'extérieur.
La nomination de cet économiste respecté de 68 ans, nommé mercredi sénateur à vie, intervient à point nommé pour rassurer les marchés et les partenaires internationaux avant l'ouverture des marchés boursiers lundi matin, d'autant plus que cette journée sera marquée par une nouvelle émission obligataire faisant figure de test.
Dans un message télévisé diffusé au moment même où son successeur en puissance était convoqué au palais présidentiel, Silvio Berlusconi s'est dit "prêt à favoriser les efforts du président pour donner immédiatement au pays un gouvernement au profil technique".
Avant d'ajouter aussitôt qu'il "redoublerait son engagement au Parlement et dans les institutions pour rénover l'Italie", signe qu'il n'est pas prêt à prendre sa retraite politique.
"Je ne me rendrai pas tant que je n'aurai pas rénové l'architecture de l'Etat", a affirmé M. Berlusconi, qui a passé dix ans au pouvoir en 17 ans de vie politique.
Plus tôt dans la journée, le Cavaliere s'était dit "fier" de son action pendant la crise économique et avait déclaré espérer "reprendre le chemin du gouvernement".
Cette omniprésence de M. Berlusconi sur la scène médiatique forme un contraste saisissant avec la discrétion prudente affichée jusqu'ici par Mario Monti.
La tâche qui attend M. Monti est titanesque, alors que l'Italie est au bord de l'asphyxie financière et croule sous une dette colossale (1.900 milliards d'euros, 120% du PIB).
Le Parti démocrate (PD, gauche, principal parti d'opposition) a demandé par la voix de son secrétaire Pierluigi Bersani que le gouvernement "soit totalement nouveau, à forte composante technique, et mette l'Italie en condition d'affronter l'urgence".
"Les engagements pris avec l'Europe restent le contenu essentiel du programme de gouvernement", a estimé pour sa part le secrétaire du parti du Cavaliere, le Peuple de la Liberté (PDL), Angelino Alfano.
La perspective d'une majorité parlementaire semble donc ouverte pour M. Monti, un homme pondéré au nez toujours chaussé de lunettes, surnommé parfois "le cardinal", qui s'est taillé une réputation de compétence et d'indépendance comme commissaire européen pendant dix ans (1994-2004), d'abord au Marché intérieur puis à la Concurrence.
Il est aussi depuis 1994 président de la prestigieuse université Bocconi de Milan, considérée comme la meilleure faculté d'économie d'Italie et dont il est diplômé.
Ces compétences ne seront pas de trop pour gouverner l'Italie, qui a été placée sous surveillance du Fonds monétaire international, de l'Union européenne et de la Banque centrale européenne.
L'UE, en saluant dimanche soir la prochaine constitution d'un nouveau gouvernement en Italie, a d'ailleurs souligné qu'elle continuerait à surveiller les réformes dans ce pays.
La désignation de M. Monti "envoie un nouveau message encourageant (montrant) la détermination des autorités italiennes à surmonter la crise", ont déclaré dans un communiqué commun le président de la Commission européenne José Manuel Barroso et le président de l'UE Herman Van Rompuy.
"La commission continuera à surveiller l'application des mesures prises par l'Italie pour mener des politiques favorisant la croissance et l'emploi", ont-ils ajouté.
La mission de Mario Monti ne s'annonce donc pas comme une partie de plaisir. Et Silvio Berlusconi, même s'il a apporté son soutien à M. Monti, l'a reçu pendant deux heures à déjeuner samedi, puis à dîner dimanche soir, reste en embuscade: "Nous sommes en mesure de débrancher la prise quand nous voulons", a-t-il confié à ses proches.