La nomination d'un novice à la langue aiguisée aux ministère des Finances et d'un défenseur des paysans à l'Economie, au Commerce et à l'Industrie a surpris les milieux économiques japonais qui comptent sur la stature du Premier ministre Noda pour guider le navire.
Propulsé directement au rang de grand argentier de l'Etat pour son premier poste gouvernemental, Jun Azumi, député de 49 ans, n'est pas un familier des milieux d'affaires.
"Je ne sais pas trop quelle est sa position sur les questions financières", s'excuse un analyste de la banque Mitsubishi UFJ.
"Si l'on en juge par ses prises de parole antérieures, il n'a pas l'air d'avoir de thèse affirmée sur les politiques financières et économiques", renchérit un analyste de l'institut Norin Chukin.
M. Azumi a généralement le mérite de dire clairement ce qu'il pense, ce qui peut constituer un atout à certains égards, les politiciens japonais étant souvent accusés de faire des déclarations alambiquées.
Mais ses sorties ayant déjà déclenché des scandales dans le passé, les plus méfiants craignent que des mots trop directs ne provoquent des dégâts sur le sujet sensible de la Finance.
Le cas échéant, les analystes ont peur de réactions brusques sur les marchés à un moment où la monnaie japonaise est victime d'accès de fièvre incontrôlables. Le yen a atteint récemment son niveau record face au dollar.
La question des taux de change est de celles qui préoccupent actuellement le plus les entrepreneurs. M. Azumi l'abordera obligatoirement à ses débuts sur la scène internationale la semaine prochaine lors de la réunion des ministres des Finances et gouverneurs de Banque centrale des sept pays les plus riches (G7) à Marseille (sud-est de la France).
Né dans la préfecture de Miyagi, l'une des plus ravagées par le séisme du 11 mars dans le nord-est, M. Azumi aura assurément à coeur d'élaborer une troisième rallonge budgétaire pour financer la reconstruction, une des tâches cruciales du nouveau gouvernement qui devra composer avec un Sénat hostile.
Lors de sa première intervention, le nouveau ministre s'en est tenu à la position du chef du gouvernement: "nous ferons tout pour réduire les dépenses inutiles afin de financer la reconstruction, mais nous devrons sans doute aussi demander au public de supporter une part du fardeau".
Les questions de la politique énergétique, mise à mal par l'accident de Fukushima, et de la sortie de récession seront quant à elles à l'agenda du ministre de l'Economie, du Commerce et de l'Industrie, Yoshio Hachiro.
Les origines agricoles de cet élu sexagénaire de l'île septentrionale de Hokkaido laissent supposer que le Premier ministre a choisi un homme capable de rassurer les paysans, indiquent les analystes.
Traumatisés par le tsunami et la contamination radioactive qui ont ruiné des terres du nord-est, les fermiers s'opposent à l'entrée du Japon dans le Partenariat transpacifique (TPP), un vaste accord de libre-échange que les gros industriels et nombre d'économistes jugent pourtant essentiel pour le Japon.
Plus connu, le nouveau ministre délégué à la politique budgétaire, Motohisa Furukawa, est perçu comme "le choix le plus appréciable parmi les personnalités retenues pour constituer l'équipe économique", tranche un stratégiste du groupe financier Daiwa.
Au final, tout le monde s'accorde à penser que M. Noda a joué l'équilibre des forces au sein de l'exécutif comme du Parti démocrate du Japon (PDJ, centre gauche) qu'il préside.
"C'est un gouvernement apparemment solide", a réagi la fédération patronale Keidanren, l'association d'employeurs Doyoukai y voyant "un apaisement des tensions au PDJ permettant la mise en oeuvre concrète des mesures annoncées".
Pour beaucoup, la ligne directrice devrait être celle du Premier ministre, ex gardien des deniers publics, partisan de la discipline budgétaire, déterminé à lutter contre la cherté du yen, à redresser le pays et à réformer largement le système fiscal pour élever les revenus tirés de l'impôt.